Anorexie et boulimie : des lycéennes racontent leur combat

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Publié le 15/01/2016 par TRD_import_IsabelleGonse ,
C'est souvent au lycee que commencent les troubles alimentaires, et parfois, des l'age de 11 ou 12 ans. Pas facile de suivre ses etudes et de mener une vie normale lorsque la nourriture devient une obsession. Ces temoignages pourront peut-etre vous aider.

« J’ai toujours été très mince, et à partir de 13 ans j’ai commencé à restreindre de plus en plus mon alimentation pour ne surtout pas grossir. À 15 ans, j’étais descendue à 29 kg, je faisais beaucoup de sport, j’avais de bons résultats scolaires et j’étais fière de ma capacité à tout contrôler, même si c’était difficile pour les études. Lorsque je suis entrée au lycée en internat, je suis tombée dans la boulimie, et un échange de trois mois en Allemagne en seconde n’a pas arrangé les choses… Je me sentais seule, très mal », raconte Anouk, 21 ans, étudiante en 4e année en école de commerce (parcours double diplôme franco-allemand). « Aujourd’hui, j’ai toujours des crises de boulimie et pour garder un poids à peu près stable, 52 kg pour 1m 66, je suis capable de jeûner pendant des jours… Mon corps est complètement déréglé. Même si j’ai toujours assuré pour les études, je n’ai plus confiance en moi… Heureusement, la thérapie de groupe m’aide à me sentir moins seule. »

Pour Ella, 21 ans, en licence de lettres à la Sorbonne à Paris, les troubles ont commencé par des crises de boulimie à l’entrée au lycée, puis des régimes drastiques. « Mon poids pouvait varier de plus ou moins 8 kg en une semaine, entre 54 et 70 kg pour 1m 69, et je me débrouillais pour que les autres ne s’en rendent pas compte. Je voulais ressembler à ces top-modèles maigres… Et en même temps, je me sentais honteuse et dépressive… » Depuis qu’elle a accepté de se faire aider, Ella a encore des hauts et des bas, mais elle reprend doucement goût à la vie.

C’est une vraie maladie… dont on peut guérir

Ce n’est pas parce que vous faites un régime que vous deviendrez forcément anorexique. Mais si vous avez la hantise de grossir, l’impression que votre vie est dominée par la nourriture, si vous faites du sport à outrance, si vous avez perdu plus de 15 % de votre poids… Attention, ce sont les premiers signes de l’anorexie. Plus fréquente, la boulimie démarre plus tard, vers 18 ans. Dans un tiers des cas, l’anorexie mentale s’accompagne de crises de boulimie.

Neuf fois sur dix, l’anorexie mentale touche des jeunes filles ou des femmes (les garçons concernés sont souvent de grands sportifs), tous milieux confondus. « Elles se souviennent en général d’un événement déclencheur, comme un changement d’établissement scolaire, mais les vraies causes sont plus complexes. Elles sont souvent perfectionnistes, angoissées, manquent de confiance en elles, ont très peu de sensations de leur corps… L’anorexie est une armure derrière laquelle elles s’abritent « , constate Aude Réhault, psychothérapeute au centre de soins SOS Anor (Paris VIe) et directrice de l’association La Note Bleue à Paris. Pour sortir des troubles du comportement alimentaire, le parcours est souvent long… Heureusement, en étant bien pris en charge, on peut en guérir !

Faites confiance à votre entourage

« Ce sont des amies qui ont alerté l’administration du collège, mes parents ont alors été prévenus que je ne mangeais pas le midi et ils ont commencé à prendre mon problème au sérieux. Moi je me sentais bien, mince, je ne voulais pas changer. J’assurais au niveau des études et je m’arrangeais pour que mes parents ne s’inquiètent pas », se souvient Anouk. Aujourd’hui, elle est consciente d’être « très contradictoire ». D’avoir à la fois envie de sortir de cette maladie qui la mine, et d’être enfermée dans son mode de fonctionnement. « Quand on me dit ‘tu n’es pas trop maigre’, j’entends ‘tu es énorme’, alors j’évite de parler de mes problèmes, sauf aux personnes avec qui je me sens vraiment bien. »

Se sentant incomprise par ses parents qui minimisaient le problème, Ella s’est confiée à sa meilleure amie. « J’avais besoin de parler. Sans pouvoir vraiment m’aider, elle m’écoutait et cela me faisait du bien.  » Bien sûr, on a tendance à s’isoler, mais il est important de pouvoir se confier à quelques proches et de ne pas couper le contact avec les amis, même s’ils ont du mal à vous comprendre.

Acceptez de vous faire aider

Alexia Savey, 18 ans, anorexique depuis l’âge de 12 ans, a été hospitalisée à plusieurs reprises car son poids était tombé à 28 kg et sa vie était en danger. Aujourd’hui en terminale L en région parisienne, elle reconnaît que cela a été très dur de suivre ses études. « Heureusement, les profs ont toujours été très compréhensifs, j’ai pu négocier et rendre certains devoirs en retard… Je dois beaucoup au CPE du lycée qui m’a vraiment soutenue. « 

Elle a commencé par raconter son parcours sur son blog et sur Instagram (plus de 1.000 abonnés), puis s’est lancée dans l’écriture d’un livre, paru le jour de ses 18 ans. « J’ai vu plusieurs médecins, psys ou autres… C’est seulement le jour où j’ai décidé de ne plus subir et de me battre pour moi, qu’il y a eu un déclic. Aujourd’hui, je suis une thérapie qui prend en compte le corps et le mental, je participe à des groupes de parole et ma mère me soutient beaucoup. Il est temps que je rattrape le temps perdu et que je me mette à vivre ! »

Trouvez la bonne personne

Psychologue, psychothérapeute, nutritionniste, association spécialisée, BAPU… Pour trouver du soutien, mieux vaut s’adresser à un professionnel de santé qui connaît bien les troubles du comportement alimentaire ou à une structure spécialisée, car c’est une maladie complexe. Il est très important d’être suivie aussi par un médecin, pour l’anorexie comme pour la boulimie. En effet, même si le poids reste « normal », les vomissements entraînent des carences et des pertes en potassium qui mettent le cœur en danger. Il faut aussi faire surveiller ses dents. L’hospitalisation est envisagée en dernier recours.

Au centre SOS Anor, les jeunes anorexiques voient un psy, une nutritionniste et une psychomotricienne. « Elles apprennent d’abord à ‘guérir sans grossir’, en suivant des menus qui réintègrent petit à petit les aliments proscrits. On fait baisser leur angoisse, grâce à des approches comme les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) ou l’hypnose », explique Aude Réhault.

L’association Endat (Paris XVe) propose des psychothérapies cognitivo-comportementales, des séances d’hypnose, des ateliers nutrition, des activités corporelles ou artistiques, des formations sur la confiance en soi, des ateliers de partage, des séances d’ostéopathie… « Chaque personne est suivie par un médecin et bénéficie de quatre ateliers de 10 séances. C’est cette approche multidisciplinaire qui permet de se débarrasser de l’obsession pour la nourriture et de s’en sortir », constate Chantal Ruault, directrice de l’association.

L’avis de Camille Cellier, 34 ans, anorexique guérie

Anorexique depuis l’âge de 18 ans, Camille est guérie depuis 3 ans. Grâce au psychothérapeute Didier Pleux, qui lui a lancé un défi : il acceptait de coécrire son livre sur l’anorexie si elle guérissait. Au bout d’un an et demi de thérapie, elle avait pris 20 kg et ils ont publié le livre ensemble. Après s’être formée, elle aide aujourd’hui d’autres jeunes anorexiques à s’en sortir.

« Il est très important de trouver le bon psy, celui qui sait vous écouter en tant que personne singulière et avec qui vous faites alliance. Cette maladie, c’est comme une drogue dure ou une dictature qui vous enferme. On n’imagine même plus à quel point la vie peut être mieux autrement ! J’aide d’abord les jeunes filles à faire baisser la phobie de la nourriture, à diversifier petit à petit leur alimentation. Puis à se rendre compte qu’elles ne peuvent pas tout contrôler, à diminuer la peur, à s’assouplir et aller vers des amis… Pour retrouver leur liberté. »

Où trouver un soutien ?

– Anorexie boulimie info écoute : 08.10.03.70.37

Association ENDAT (Éducation nutritionnelle des diabétiques et aide aux troubles du comportement alimentaire). 4A, rue Vigée Lebrun, 75015 PARIS. Tél. 01.43.06.66.31.

SOS Anor : Centre de soin spécialisé dans la prise en charge des TCA. 59, rue de la Seine, 75006 Paris. Tél. 01.34.90.23.54. Un nouveau centre ouvre à Nantes en Janvier 2016. Lié à l’association La Note Bleue.

FNA-TCA (Fédération nationale d’aide aux troubles du comportement alimentaire) : regroupe une vingtaine d’associations.

AFDAS-TCA (Association française pour le développement des approches spécialisées des troubles du comportement alimentaire).

SIUMPPS : Services interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé. Entretiens gratuits avec des médecins et psychologues.

– BAPU : Bureau d’aide psychologique universitaire. Il existe 18 BAPU en France dont 6 à Paris. Rendez-vous gratuits pour les étudiants.

– Certaines mutuelles, comme la MGEN, proposent des thérapies individuelles ou de groupe.

– Services spécialisés en anorexie/boulimie dans les hôpitaux : voir le classement du Point.

Témoignages à lire :

– « Deux à combattre l’anorexie. Guérir : journal d’une psychothérapie », Didier Pleux et Camille Cellier, éd. Odile Jacob, 2013.

– « La faim du petit poids, chroniques anorexiques », Alexia Savey, éd. Kawa, 2015.

– « Jours sans faim », Delphine de Vigan, éd. J’ai Lu, 2004.

– « Le ventre vide, le froid autour », Collectif « Les Filles du Calvaire », éd. Eyrolles, 2011.