Pas facile d’être un étudiant veggie

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Publié le 23/11/2016 par TRD_import_LauraMakary ,
3 % des Français sont végétariens et 10 % envisageraient de le devenir. C'est le résultat d'un sondage de Terra Eco, début 2016. Parmi eux, de nombreux étudiants, qui doivent jongler entre leur quotidien et leur régime alimentaire. Témoignages et explications.

« Mais tu manges quoi alors ? ». « Moi, je ne pourrais pas, j’aime trop la viande et le fromage ». « C’est trop extrême ». Ces réactions, Violette, étudiante à l’école vétérinaire ONIRIS, à Nantes, les a subies. La raison : elle est végétalienne (1), elle ne mange ni viande, ni poisson, ni œuf, ni produit laitier. « Mon père est un vrai viandard. Quand je cuisine, hors de question pour lui de goûter mes plats. Il a préféré manger ses pâtes natures plutôt qu’avec la bolognaise végane (2) que j’avais cuisinée », soupire-t-elle.

C’est l’une des difficultés des jeunes végétariens (3) : la réaction des proches. Pierre, étudiant en kinésithérapie au Luxembourg et en acupuncture à Nancy, estime qu’il n’est pas à plaindre, même si quelques-uns le « vannent gentiment ». « Mes amis s’en fichent, certains changent même d’alimentation. Ma mère mange quasiment comme moi et mon frère et ma sœur adaptent une partie du repas pour moi, ce que je trouve adorable. Il n’y a que mon père qui ne l’accepte pas trop », explique-t-il.

Melvin, 18 ans, futur étudiant en L1 de biologie, « probablement à l’université de Bourgogne », a, quant à lui, réussi à rassurer ses amis. « Ils ne savaient rien du végétarisme et du véganisme. À force de leur expliquer ma prise de position, ils l’ont tous acceptée sans souci. J’ai eu de la chance ».

Manger à la cantine sans produit animal

Autre galère : se nourrir dans une cantine souvent peu adaptée. Lison, 17 ans, est lycéenne près de Charleroi, en Belgique. Après un déclic brutal à 9 ans, « quand j’ai vu des chasseurs revenir avec des cadavres dans les mains », elle arrête de manger de la viande. À midi, peu de choix. « Je prends des sandwichs au fromage, c’est la seule solution végétarienne », lance-t-elle. Pas des plus équilibrés…

Célia, en licence de physique-chimie à Lyon 1, connaît également ce souci. « Si je n’ai pas préparé mon repas la veille, il est impossible de manger le midi. Le CROUS (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) ne propose aucun produit végétalien. Généralement, je me nourris de café à longueur de journée. J’avoue que des fois, je bave devant les sandwichs de mes amis à midi ! » Pierre, quant à lui, a trouvé sa solution. « J’embarque mon Tupperware, je cuisine chaque soir pour le lendemain, avec une liste de repas pour la semaine ». Bien organisé.

Emeline Bacot, diététicienne nutritionniste, appelle à la vigilance. « Le problème n’est pas le régime végétarien, mais le fait que les cantines ne proposent souvent pas de plat adapté. Dans le cas du sandwich au fromage chaque midi, c’est bien entendu dangereux : elle ingère des graisses, mais sans vitamine, ni fibre, car le pain est blanc dans ce type de sandwich. Même en compensant avec des légumes le soir, cela peut créer des déséquilibres », souligne-t-elle. Idem pour ceux qui se privent et sautent le déjeuner. « L’alimentation doit être équilibrée et proportionnée sur la journée. La meilleure solution est d’apporter sa gamelle, avec légumineuses, céréales et légumes, chauds ou en salade, et un fruit au dessert », propose la diététicienne.

Des options « végé »

Heureusement, des initiatives se développent. Sarah étudie la psychologie, en master 1, à l’université de Besançon. À la suite d’une pétition signée par 6.500 personnes, le RU a mis en place une alternative végétalienne. « Ça change la vie ! », s’exclame la future psychologue. Elle peut ainsi manger des légumes, des céréales et un steak de soja. Et assure que « beaucoup d’étudiants non végé prennent ce menu ».

Pour Coraline, aux États-Unis, plus facile d’être végétarienne que pour Pierre, en France. // © Photos fournies par les témoins

Autre cas de figure : celui de Coraline, étudiante en master de littérature et civilisations anglaises à Montpellier. Actuellement en échange aux États-Unis, dans une université du Massachusetts, elle se nourrit facilement dans son pays d’accueil. « À Montpellier, au RU, les repas végétariens et vegans sont rares, voire inexistants. Aux États-Unis, j’y mange trois fois par jour. On a un bar à salades, avec du quinoa, des lentilles et des crudités. Quelques exemples de plats proposés : du mac’n’cheese et des nuggets vegans, des frites de patates douces, du kale sauté, des fajitas végé, du houmous, des laits végétaux… », cite-t-elle avec enthousiasme.

Quels avantages au quotidien ?

Au-delà des raisons éthiques qui poussent ces jeunes à bouleverser leur façon de s’alimenter, quels avantages ? Coraline déclare voir l’avant et l’après et être « moins malade » depuis l’arrêt de la viande. Notre diététicienne confirme. « Des études récentes prouvent que les végétariens sont moins sensibles aux cancers, notamment colorectaux, au diabète et aux maladies cardiaques. Et la plupart de mes patients expliquent se sentir mieux, avec moins de soucis de transits. En arrêtant la viande, ils découvrent de nouveaux végétaux et ingèrent ainsi plus de fibres, de vitamines et de minéraux », détaille Emeline Bacot.

Pour Mathilde, 19 ans, étudiante en lettres modernes à Lille, cela va plus loin. « J’ai un rapport compliqué à la nourriture. Je suis anorexique depuis cinq ans. La viande me dégoûtait de plus en plus. Ensuite, ça a été le poisson, donc je suis devenue végétarienne. Au début, j’ai subi des moqueries et c’était un sujet de conflit avec mes parents. Mais ils ont vu que cela m’a fait du bien. Ma peur des glucides a presque disparu et j’ai pris 4 kilos depuis février. Je ne suis pas encore guérie, mais ça va beaucoup mieux », confie la jeune femme. Elle se déclare attirée par le végétalisme. « Je n’aime pas l’idée de manger des œufs ou du lait. Mais je n’oublie pas qu’il y a aussi la voix de la maladie, je préfère être en paix avec moi-même avant de passer ce nouveau cap. »

(1) Végétalien : même régime que le végétarien, mais en excluant tous les produits d’origine animale (œufs, produits laitiers, miel…).

(2) Végan : même régime que le végétalien, mais en excluant tout produit entraînant une exploitation animale (laine, cuir, cosmétiques testés sur les animaux…)

*(3) Végétarien : ne mange ni viande, ni poisson, ni fruit de mer, mais consomme des œufs et des produits laitiers.*

3 conseils quand on devient végétarien

Emeline Bacot donne trois conseils aux nouveaux végétariens ou végétaliens :

– S’intéresser à l’alimentation et la varier au maximum. Chaque aliment possède des nutriments différents, il faut donc les varier le plus possible.

– Faire attention aux carences en vitamine B12 , présente dans les produits d’origine animale. Se supplémenter, c’est-à-dire prendre des compléments alimentaires, est obligatoire pour les végétaliens. Pour les végétariens, mieux vaut effectuer un test sanguin ou urinaire pour vérifier qu’ils ne sont pas carencés.

– Se renseigner auprès d’un professionnel de santé, si possible sensibilisé aux questions du végétarisme, pour équilibrer ses menus.

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