WEI : tu t’éclates ou tu dérapes ?

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Publié le 27/10/2015 par TRD_import_JuliaZimmerlich ,
Nouvellement etudiant(e), vous avez peut-etre deja goute aux "joies" des week-ends d'integration (WEI, prononcez "why"). Une maniere de sauter dans le grand bain des etudes sup', au rythme d'activites et de soirees censees forger l'esprit de promo. Un rite de passage source d'angoisse ou de rejouissances ? Vous nous avez raconte.

« L’un des meilleurs week-ends de ma vie ». Les témoignages de ce type recueillis dans le cadre du questionnaire l’Etudiant « WEI : bon ou mauvais souvenir ? », lancé en octobre 2015 (1), ne manquent pas. « Je me suis fait des amis que je garderai toutes mes études » , assure, par exemple, un étudiant. « Les anciens nous ont préparé des surprises avec des concerts, du ski nautique… », écrit encore un autre.

Et puis, quand on lit entre les lignes, il y a aussi ceux qui laissent pointer un malaise, qui poussent à s’interroger : « Tout s’est très bien passé ! On nous a salis et fait faire certaines choses dégoûtantes (pas exemple mettre un cœur et des poumons d’animaux sous nos t-shirts). Mais aucune chose vraiment TERRIBLEMENT humiliante. » De même, cette étudiante qui lance : « J’assume le fait d’avoir couru en soutien-gorge et petite culotte jusqu’à une rivière glacée ou encore d’être tombée dans la boue et d’avoir été un peu humiliée, mais il ne faut rien faire à contrecœur ! ». Ou encore celui-ci qui assure n’avoir « rien vécu d’humiliant » : « C’est vraiment pour rigoler, on se déguise, on fait des courses dans de drôles de positions, on doit boire, mais encore une fois, personne ne nous a forcés à rien ! »

Un imaginaire fort autour des WEI

Comment appréhendez-vous ces rites de passage ? D’après notre questionnaire, pour plus de 70 % d’entre vous, c’est l’enthousiasme qui prime et le WEI est avant tout une occasion de mieux connaître sa promo. « Le principe même du WEI est fantastique : réunir toute une promo autour d’un week-end, former un esprit de cohésion, permettre les rencontres… », illustre un étudiant dans un commentaire au questionnaire.

pour vous, les wei représentent

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Mais quand on regarde les réponses de ceux qui n’ont jamais encore vécu un WEI, une certaine angoisse se manifeste : 35 % redoutent d’y participer et 63 % craignent des situations humiliantes.

Ces chiffres révèlent un imaginaire fort autour de ces week-ends festifs. En cause, « le manque d’information des étudiants sur le programme, répond Marie-Françoise Henry, présidente du Comité national contre le bizutage (CNVB). Les organisateurs ne leur disent ni où ils vont, ni ce qu’ils vont faire, ni qui va les encadrer. En pensant faire une surprise aux nouveaux, ils ne génèrent que de l’angoisse. »

Christophe Moreau, sociologue chez Jeudevi, chercheur associé Chaire Jeunesse EHESP Rennes, invoque la peur du groupe : « Quand on quitte papa-maman, on angoisse à l’idée de rentrer en relation avec les autres, c’est normal. Et puis il ne faut pas négliger l’image des WEI et des bizutages véhiculée par les médias. Il y a réellement des situations humiliantes lors de ces rassemblements, mais les images médiatiques alimentent aussi les fantasmes. »

Ne pas participer à un WEi

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Je bois, donc je suis ?

Et parmi les ingrédients souvent associés à l’idée d’un WEI : l’alcool. Vous êtes près de 87 % à envisager d’en consommer, dont 30 % à l’excès. « Un conseil pour ceux qui souhaitent participer à un WEI, ramenez vos propres bouteilles d’eau car il y a très peu de boissons sans alcool », résume un étudiant dans son commentaire final à notre questionnaire. Malgré l’interdiction des open bar depuis 2009 lors des WEI (et des soirées étudiantes), suite au décès d’un étudiant de Centrale Paris, l’excès d’alcool n’est pas rare. « Un moyen de se lâcher », « de décompresser après les concours », « de tester ses limites » pour certains d’entre vous, mais aussi, pour d’autres, une « grande violence » de se « retrouver entouré de personnes ivres alors qu’on ne boit pas », voire un « sujet extrêmement tabou » quand on assiste, dixit un témoignage anonyme au questionnaire, « à des scènes inimaginables de filles touchées, ou même violées, tant elles sont saoules. »

Pendant un WEI, envisagez-vous de consommer de l’alcool ?

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« L’alcool a toujours été associé à la fête, analyse la psychologue-alcoologue Amélie Nicot, qui a crée le programme Ça m’soule. Il est synonyme de lien social, c’est un désinhibiteur absolu. Le problème c’est qu’il y a de plus en plus de comas et de décès parmi les étudiants à cause de l’alcool. » Christophe Moreau pointe aussi l’ennui dans les soirées, qui pousse à boire plus.

Il existe pourtant d’autres moyens de fédérer, de « mieux connaître sa promo » — qui est une préoccupation pour 73,3 % d’entre vous. L’association Ça m’soule intervient dans les établissements du supérieur pour accompagner les BDE (bureaux des élèves) sur l’organisation des week-ends et des soirées. « Quand les WEI sont bien cadrés, la consommation d’alcool baisse, poursuit Amélie Nicot. Si les activités proposées sont sympas et que le programme est dense, les étudiants boivent un peu le soir, mais ils voudront être en forme pour faire du rafting le lendemain par exemple. »

Les mecs joueraient la surenchère

D’après les résultats de notre questionnaire, les garçons seraient plus à l’aise face à d’éventuels dérapages. Ils sont près de deux fois plus que les filles à se déclarer prêts à boire à l’excès, ils sont plus nombreux que les étudiantes à dire « ne rien redouter » et en cas de dérapage, plus de la moitié pensent qu’ils assumeront…

les garçons moins angoissés par les WEI

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« Ça ne me surprend pas, analyse Christophe Moreau. Dans les études sociologiques sur les comportements à risque, on a toujours trois fois plus de garçons qui vont dans les excès, même si les écarts filles/garçons tendent à se réduire ces dernières années. Ils vont être dans le passage à l’acte, dans l’extériorisation de leur mal-être. Alors que les filles vont plus s’écouter, se connecter davantage à leurs émotions et aux interdits qui leur ont été transmis. Elles seront plus nombreuses à mettre à distance le groupe. »

Le droit de dire non

Où se situe la limite de l’acceptable ? A-t-on vraiment le choix de refuser de participer à une activité ou de boire, alors que « personne ne nous y oblige » et que l’ambiance est « bon enfant » ? C’est toute la difficulté quand on parle de bizutage ou plus pudiquement de « dérapage » lors de ces week-ends d’intégration.

La loi du 17 juin 1998 est pourtant très claire : le bizutage est « le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif ». Un délit qui est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7.500 € d’amende. « Contre son gré ou non », c’est-à-dire que l’on vous ait laissé le choix ou non. « Il n’y a pas de bizutage gentil, tranche Marie-Françoise Henry. Ou alors si c’est vraiment gentil, ça s’appelle un accueil. Dans un bizutage, on fait faire des choses aux nouveaux, alors que dans un accueil, on fait ENSEMBLE. Faire danser les premières années, leur demander de nettoyer une rivière, en les regardant, c’est du bizutage. Et il est illusoire de croire qu’on leur laisse le choix. Les nouveaux se sentent dans l’obligation de suivre le mouvement, de peur d’être stigmatisés. »

Un faible recours à la plainte en cas de dérapage

En cas de dérapage pendant un WEI

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Si beaucoup de WEI se déroulent sans heurts et demeurent un souvenir festif et fédérateur, quand le rite initiatique dérape ou est mal vécu, comment réagissez-vous ? « Seuls 17 % des étudiants pensent porter plainte s’ils sont victimes d’un dérapage, s’alarme Christophe Moreau. Dans la population, un tiers seulement des personnes qui ont subi une agression porte plainte. Dans le cas des étudiants c’est deux fois moins. »

Autre résultat préoccupant, vous n’êtes que 35,7 % à chercher des soutiens parmi les élèves ou les associations. « Ces résultats donnent l’image de jeunes qui sont très seuls, poursuit le sociologue. L’empathie, la coopération et l’entraide sont des ressources trop peu acquises. »

Vous l’avez compris, pour profiter de votre WEI, ne vous laissez pas embarquer par l’effet de groupe si vous ne le « sentez pas » : fiez-vous à votre intuition et ne restez pas seul en cas de situation difficile. Et rassurez-vous : preuve que les WEI peuvent être des moments festifs et de partage, vous êtes 70 % à vous déclarer prêts à en organiser un !

Dans quelles filières boit-on le plus pendant les WEI ?

Les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce ont la réputation d’être le théâtre de grandes beuveries. Une légende confirmée par notre questionnaire : les étudiants dans ces filières se déclarent prêts à boire à l’excès pendant le WEI respectivement à 43 % et 38 %. Ils sont talonnés de près par les élèves en médecine (36 %) et paramédical (33 %).

Une Web fiction sur les WEI

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Le week-end d’intégration, ça peut mal tourner. Très mal, même. C’est ce qu’ont voulu représenter Simon Bouisson et France Télévisions avec la fiction interactive "WEI or DIE" qui vous pousse à enquêter, comme si vous y étiez. **

Méthodologie du questionnaire l’Etudiant Trendy

1.752 élèves de terminale et étudiants ont répondu entre le 8 et le 13 octobre 2015 à notre questionnaire en ligne. Merci à eux d’avoir pris le temps de répondre !

(*) Pour ces questions, plusieurs réponses étaient possibles.