Rien ne me va, tout m’énerve !

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Publié le 30/06/2017 par TRD_import_MariaPoblete ,
Grognon, bougon, soupe au lait, grincheux… Vous êtes en permanence prêt à exploser et un rien vous fait sortir de vos gonds. Apprenez à écouter cette colère, puis à détecter et exprimer ce qui se cache derrière.

« J’étais un élève moyen au collège puis très juste en seconde. Je n’étais pas motivé par les études parce que je ne savais pas où j’allais. Mes parents et les professeurs me mettaient une pression monstre ; ils disaient que j’étais en dessous de mes capacités. C’est possible, mais les notes n’avaient aucune importance [pour moi] et viser le 16 sur 20 de moyenne était le dernier de mes soucis, je m’épanouissais ailleurs. La pression me tapait sur les nerfs, mettant en péril la relation que j’avais avec les adultes. Je répétais qu’ils m’énervaient. Je claquais les portes et, quand je n’explosais pas, je bouillais à l’intérieur. » Léo, 20 ans, en licence 2 de cinéma à l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, n’était pas à prendre avec des pincettes jusqu’au jour où, en terminale, il s’est métamorphosé.

« J’ai commencé à accepter de prendre sur moi, en ayant des discussions franches avec mes parents, en faisant un effort scolaire… qui a apaisé les tensions qui provoquaient ma colère ! » En trouvant sa voie, le cinéma, Léo a aussi trouvé le calme. « Les études que j’envisageais ne nécessitaient pas d’être le meilleur, mais plutôt de développer d’autres capacités, l’esprit de créativité et l’autonomie de travail. Je me suis concentré là-dessus. Prendre du recul me semble fondamental si l’on veut être heureux. Il faut savoir satisfaire, malgré tout, ses parents et faire quelques efforts pour augmenter ses notes, afin d’être en paix, en adéquation avec son idéal. »

Posez-vous pour réfléchir

Ce qu’a fait le cinéaste en herbe, c’est bien un arrêt sur image. Il a cessé de ruminer et d’être envahi par des pensées négatives. Il a stoppé le petit vélo qui tournait autour des mêmes idées noires. Ce qui compte dans l’expression de son énervement n’est pas tant la réalité objective (les parents, les notes) que ce qu’il ressentait.

« Nous sommes dans une société très dure, les jeunes vivent dans un modèle économique de performance et ils se sentent contraints de répondre à cela avec des normes et des objectifs à atteindre, analyse Saverio Tomasella, psychologue clinicien et psychanalyste. Ils se jugent aussi très durement, ne se font pas de cadeaux. Pouvoir se poser, réfléchir, être vigilant, se regarder sont quelques pistes intéressantes pour réduire les tensions. Je recommande de l’indulgence et de la douceur avec soi… »

Accueillez vos émotions

Lucie, 15 ans, en seconde au lycée Sévigné à Paris, raconte comment elle bataille et apprend à se tranquilliser… même si elle reconnaît avoir encore du chemin à faire. « Depuis deux ans, je sens que la moindre petite réflexion de ma mère – je vis seule avec elle – me met dans tous mes états. Elle m’énerve à un point que vous ne pouvez pas imaginer, elle m’agace ! C’est embêtant car je ne suis jamais apaisée. »

« Elle réclame que je sois la fille parfaite, se plaint Lucie. Quand elle me demande quelque chose et que je n’ai pas envie de le faire tout de suite, ou que je suis occupée, elle attend que j’obéisse, et cela m’énerve ! J’écoute, mais je n’ai pas envie de le faire. Face à ce genre de situation, je suis mal, on se fâche, parfois fort. J’essaie de trouver des techniques pour me calmer : quitter le salon où on s’engueule, respirer et essayer de savoir pourquoi je réagis ainsi. »

Lucie est sur la bonne voie. Dans la phrase : « Tout m’énerve », on entend : « Tout m’inquiète » et « Tout me stresse ». « Il est utile de retourner la proposition, en formulant : je m’énerve pour cela, je me sens agressé par cette situation, conseille Fabienne Chevalier, sophrologue à Paris. Je ressens telle émotion et mon état est celui-là. »

En percevant les émotions, qui sont « le feu sous la casserole de [nos] pensées », comme dit le psychiatre Christophe André, on apprend à les connaître et à les reconnaître quand elles arrivent. Une douleur psychique est aussi douloureuse qu’une blessure physique. D’ailleurs, le cerveau ne fait pas la différence ! « Se sentir rejeté et être irrité est aussi douloureux que se faire arracher une dent sans anesthésie », poursuit la sophrologue. Alors, apprenez à nommer cet énervement.

Dé-com-po-sez ce qui vous énerve

Difficile d’imaginer Lola, 20 ans, étudiante en licence 3 de chinois à l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), sortir de ses gonds. Et pourtant : « Quand j’étais en classe prépa pour présenter le concours de l’ENS [École normale supérieure], je travaillais énormément et toute mon énergie passait dans les études. Mais j’avais des difficultés dans certaines matières essentielles. Des enseignants laissaient tomber ceux qu’ils n’imaginaient pas réussir, dont moi. Ils ne répondaient pas à mes mails ; pourtant, je m’investissais ! Une colère terrible est montée en moi. »

« Je trouvais ça cruel. Je n’avais plus les mêmes chances que les autres, je n’avais plus l’aide nécessaire et je perdais ma motivation, se souvient Lola. Je ne me sentais plus considérée. J’ai toujours eu du respect pour les professeurs, je n’osais rien dire. Mon moral en a été touché et mes résultats ont encore chuté. J’étais démunie, dans une impasse. J’ai fini par aller voir les enseignants. Dans mon énervement, il y avait le sentiment d’injustice, la fatigue, l’erreur d’orientation. Je mettais tout dans le même sac ! » Aujourd’hui, elle ne regrette rien. Elle a retrouvé son calme et conseille de « vider son sac de lamentations » et d’écrire son mal-être.

Créez votre journal des plaintes

Ouvrir un « cahier de la plainte », c’est ce que recommande le psychologue Saverio Tomasella : « Dans ce journal ou cahier de bord, écrivez sincèrement et librement, sans vous justifier ni vous censurer, tous les événements qui ont donné lieu à des lamentations, de l’énervement ou des protestations. Ensuite, lisez vos écrits à un adulte (psychologue, infirmière scolaire) : il servira à vous délester de ce poids. »

Tout agaçait Eugénie, 17 ans, élève en première ES à Marseille : le lycée, les parents, certaines copines. C’est dans la danse qu’elle a trouvé son salut. « Même si je sais que cela ne va pas résoudre mes problèmes, cela me tranquillise. Après mon cours de danse contemporaine, je me sens plus légère, détendue. Bien sûr, les trucs qui m’énervent sont toujours là, mais je dédramatise. »

Confiez-vous sans frein

D’un tempérament sociable, Valentine, 19 ans, en deuxième année de l’École nationale d’architecture Paris-Malaquais, raconte s’être souvent énervée au lycée, mais elle a réussi à se contrôler. « J’étais frustrée, je vivais les restrictions comme des punitions. Mes parents m’ont obligée à consulter un psy. Nous étions dans une impasse. Évidemment, j’étais opposée à cette idée et elle m’agaçait au plus haut point. Pourtant, je leur en suis reconnaissante et ces séances m’ont aidée. »

Ça n’a évidemment pas été facile : « Mes premiers rendez-vous chez le psychologue étaient terribles car je refusais de parler. Malgré tout, mes parents m’ont obligée à y retourner et, peu à peu, ma langue s’est déliée. J’ai mis des mots sur ce que je ressentais, ma colère et ses causes. Réussir à verbaliser ce que l’on ressent et à l’extérioriser est fondamental. Grâce à cette aide, j’ai compris ce qui me bloquait et nous avons pu trouver des solutions ensemble. »

« Aller chez un psychologue n’est pas facile pour tout le monde, reconnaît Valentine, mais je pense qu’ il est possible de trouver une alternative en parlant à un adulte, une personne en qui on a confiance, un parrain, un ami de la famille. Il est fondamental que l’on sache que l’on peut tout dire à cette personne et que, surtout, elle n’en parlera pas. En mettant des mots sur les choses, tout est plus simple et les solutions arrivent. Les adultes en savent davantage que nous sur la vie et ont de bons conseils. Il faut accepter que, parfois, lorsque l’on est face à ce type de situation, on ne peut pas tout régler seul. »