Réviser l’Histoire, c’est plus marrant avec Pollux : la vie de l’Abbé Pierre

Toute sa vie au service des plus pauvres, l’Abbé Pierre (1912-2007) a, par son travail, intéressé le public à leur cause, et initié un important mouvement de lutte contre le mal-logement. Nul besoin de présenter plus avant l’immense figure qu’est l’Abbé Pierre, dont chacun connaît le visage et le combat.

Monsieur l’Abbé Pierre, vous êtes certainement une des figures de la solidarité les plus célèbres en France. Né à Lyon dans une famille aisée, qu’est-ce qui vous a amené à vous engager en faveur des plus pauvres ?

Je viens d’une famille bourgeoise catholique, déjà très engagée dans les œuvres de solidarité. Mon père participe à plusieurs associations , notamment les Hospitaliers Veilleurs. Déjà tout jeune, *à 12 ans, je l’accompagne dans cette confrérie. *

Qu’est-ce que vous y faites ?

Je fais office de barbier pour les plus démunis : coupe de cheveux, rasage… La dignité de base, quoi.

Ah oui, donc une sensibilité à cette cause dès le début. Et à part ça, votre jeunesse se passe comment ?

Tout ce qu’il y a de plus normal : je vais au lycée à Lyon, je suis aux scouts, tout ça tout ça, quoi. (…)

1954 ? Que se passe-t-il ?

Pendant l’hiver 1953-1954, il a fait horriblement froid à Paris. On propose, avec quelques politiques qui essaient vraiment de se bouger (pas la majorité, donc), de faire passer un projet de loi pour affecter une partie du budget de la reconstruction à la construction de cités d’urgence.

C’est quoi, des cités d’urgence ?

Ce sont des logements pour accueillir vite et provisoirement des gens qui n’ont pas de logement du tout.

Mais donc ce n’est pas vraiment de la reconstruction ?

Bah c’est bien l’argument qu’ils nous opposent, ces idiots ! Du coup, le projet de loi est reporté, sans autre forme de débat.

© Éditions Nomades

C’est dommage…

DOMMAGE ? Bah dites donc, c’est tout ce que ça vous inspire… La nuit même où on apprend ce rejet, un bébé meurt de froid.

Quelle horreur.

Oui. Une horreur, et une honte !

Que pouvez-vous faire ?

Eh bien, puisque l’on ne peut pas compter sur la loi, on fait les choses nous-mêmes. On arpente les rues, avec des couvertures, des cafés, ce que l’on peut, quoi. Et on distribue ça aux pauvres, qui crèvent de froid, pendant que le gouvernement durcit encore les arrêtés d’expulsion des gens qui ne peuvent pas payer leur loyer.

Vous n’avez pas un peu l’impression d’être David contre Goliath ?

Un peu. Mais un nouveau décès dû au froid, une femme expulsée l’avant-veille de son logement, fait vraiment déborder le tout. J ‘ai besoin d’aide ! Alors je vais en chercher.

Comment ça ?

Je rédige un papier, pour f aire appel à la solidarité de tous. Et je demande à la radio Paris-Inter de le diffuser.

Et ils acceptent ?

Non.

© Éditions Nomades

Et alors ?

Bah alors je leur dis franchement ce que je pense : s’ils refusent de diffuser cet appel, cette nuit encore, quand une femme ou un bébé viendraient à mourir de froid, sans aide alors qu’ils auraient pu faire quelque chose pour les sauver, ils ne pourraient pas se dire en toute bonne foi qu’ils ne sont en rien responsables.

Ouch.

Ah ah, oui ! En tout cas ça marche, et je pense qu’ils sont parmi les premiers à se rendre compte de ce que beaucoup d’autres vont réaliser immédiatement après : on ne peut pas rester insensible à la misère, et si on peut faire quelque chose, alors faisons-le ! (…)

Cher Abbé, vous êtes excellent. Merci pour toute votre action et pour ces quelques mots ! »

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Retrouvez l’interview de l’Abbé Pierre dans son intégralité ainsi que celles de 14 autres personnalités historiques nées à Lyon (Louis Lépine, Eugénie Brazier, Joseph Fouché, Rabelais, Jean Moulin ou encore les frères Lumière) dans Interviews à Lyon des Éditions Nomades. **

*Passionnée d’histoire, Pollux est une journaliste fictive qui voyage dans le temps. Elle part interviewer les illustres personnages de notre Histoire (parfois oubliés) pour une visite décalée et insolite des villes de France. *

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