« R.I.P la star du lycée » by Romy Idol

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Publié le 09/10/2014 par bettybetzy ,
Qui aurait cru que Jess, la fille la plus populaire de votre lycee, allait devenir celle que vous ne voudriez jamais etre ? Et que le beau gosse dont vous etiez amoureuse est aujourd'hui un gros ringard ? Romy Idol s'est resolue a enterrer le souvenir des anciennes stars de son lycee. * *

Adieu les souvenirs du lycée © Y comme Romy

Rien de tel pour retrouver le moral que de croiser par hasard une star de son adolescence en pleine déchéance de coolitude.

On est en janvier, je n’ai plus un rond, j’ai trois kilos de trop, et ma peau a oublié depuis longtemps le concept de soleil. C’est donc avec un enthousiasme digne d’un premier rencard que je me motive pour aller à la fête des trente ans de ma pote Vaness , avec qui j’ai fumé mes premières clopes, roulé mes premiers joints et débriefé mes premiers mecs.

Vaness et moi, on a été inséparables de la seconde à la terminale, on dormait l’une chez l’autre une fois par semaine, on s’échangeait nos fringues, on squattait les lignes fixes de nos parents six soirs sur sept (normal, le samedi soir, on était ensemble). Bref, c’était ma « meilleure copine » , avec laquelle je n’ai jamais totalement coupé les ponts même si nos vies n’ont désormais plus rien à voir. Et c’est typiquement la personne dont je ne pouvais pas louper les trente ans, au nom de notre amitié d’ados.

Le beau gosse du lycée, le retour*

C’est là que la catastrophe – ou le miracle, je ne sais toujours pas – se produit. Alors que je suis en pleine conversation avec la petite sœur de Vaness (que j’ai accompagnée s’acheter son premier soutif et ça, ça crée des liens À VIE), un mec se dirige droit sur moi et me serre dans ses bras en disant : « Romy, tu peux pas savoir comme ça me fait plaisir de te revoir ». J’ai beau tenter la technique du sourire figé, puis celle des yeux plissés, il ne comprend pas que je ne le remets pas. Je cherche donc rapidement des indices dans sa tenue, des fois qu’il aurait oublié d’enlever son badge ou qu’il aurait un accessoire complètement dingue, genre menottes ou stéthoscope, qui me mettrait la puce à l’oreille. Rien à faire. Si son crâne dégarni me laisse penser qu’il a une petite dizaine d’années de plus que moi, son 501 ultra-délavé m’indique que lui aussi est un rescapé des nineties (lui, en revanche, est resté bloqué dans une faille spatio-temporelle). C’est alors qu’il lâche cette bombe : « C’est moi, Romain, Rom, tu sais, on était ensemble en espagnol. » À ce moment-là, j’éprouve la même sensation que le jour où je suis retombée sur ma Game Boy en emménageant dans mon premier appart : passée la joie de revoir un objet d’adoration de ma jeunesse, le degré de déception est à peu près proportionnel au degré de coolitude qu’il a pu posséder à l’époque. À commencer par son surnom, qui aujourd’hui m’évoque malheureusement davantage des bidonvilles que Dylan McKay.

Rom, c’était le grand brun aux cheveux mi-longs, qui assurait autant en EPS qu’en français, qui fumait des Lucky Strike dans un paquet mou, et qui jouait tous les ans avec son groupe pour la fête de la musique. Une passion qu’il n’a jamais abandonnée, m’explique-t-il, en m’apprenant qu’il est chef de rayon à la Fnac, où il a débuté avec un job d’étudiant et où il a fini par rester après des années de microfestivals et de concerts dans des bars vides. Mais à ce stade, aucune de ses révélations ne peut plus m’atteindre, je suis déjà en pleine descente et je comprends enfin le sens du roman « Illusions perdues », qui m’a pourtant valu un 8 à l’oral de français du bac.

Rom, c’était notre sujet de prédilection avec Vaness, on pouvait passer des heures à commenter sa journée et à tenter de savoir s’il avait cassé ou pas avec Jess, son âme sœur et son égale dans l’échelle du cool. Jess ne faisait pas de musique, mais elle venait au lycée en mob et passait ses mercredis à se confectionner des vêtements hyper stylés, ce qui lui valait d’être enviée par toutes les filles. Les garçons, eux, la connaissaient surtout pour son bonnet D et ses longs cheveux blonds, qu’elle s’était mise à teindre en violet, mais à l’époque on avait trouvé ça génial.

Mes neurones ayant toujours du mal à connecter le Rom de l’époque avec le trentenaire chauve en train de me raconter sa vie, c’est tout naturellement que je lui demande des nouvelles de Jess. Comme tous ces gens dont l’apogée s’est situé en terminale, Rom a gardé tous ses amis de lycée, y compris Jess, devenue une super pote, à tel point qu’elle était témoin à son mariage. Quand il entreprend de me montrer des photos d’elle sur son téléphone, je comprends que l’aura des stars du lycée, c’est comme mon CDD : pas destiné à durer.

Comment le canon devient boulet…*

Cette blonde engoncée dans son jean taille 46 ne peut pas être LA Jess de mon adolescence, bien qu’elle ait toujours de gros seins. Et ces trois enfants à côté d’elle ne peuvent pas être les siens. Sans parler du chien et du barbecue en arrière-plan. « Et voilà sa petite famille ! OK, ils vivent un peu loin maintenant, mais Jess est hyper contente d’élever ses enfants dans un jardin, et puis comme elle bosse pas, elle est aussi bien à la campagne. » En une phrase, qui me semble à la fois terriblement cruelle et terriblement réconfortante, Romain vient de me résumer les dix dernières années de la vie de Jess.

Et d’un coup, je me sens au top.

* Les intertitres ont été ajoutés par la rédaction.

Cet article est extrait de “Y comme Romy”, de Julia Tissier et Myriam Levain. Illustré par Louison.

Romy Idol, presque 30 ans, presque un mec, presque un boulot.

253 pages – 14,50 € – Editions Robert Laffont.