Quand la BD vous fait (re)découvrir l’Histoire #2
« Le chevalier d’Éon T.1 »
« Le chevalier d’Éon T.1 », d’Agnès Maupré (Ankama)
Le chevalier d’Éon est un personnage… pour le moins mystérieux. Tout commence avec une soirée déguisée organisée par le Roi Louis XV ; une soirée à laquelle notre protagoniste décide – avec l’aide d’une complice – de se rendre travesti en femme. Sa silhouette androgyne, sa belle robe rouge, un brin de maquillage, l’illusion est parfaite. Si parfaite que, lors du bal, le roi « le » repère et entreprend de « la » mettre dans son lit. Sans Madame de Pompadour, cet épisode aurait pu bien mal finir.
À l’aise en pantalon comme en robe, le chevalier va être appelé à porter celle-ci de nouveau, non pas pour une quelconque fête, mais pour les besoins d’une mission – pour le moins périlleuse – ordonnée par le Roi de France. Direction la Russie pour rencontrer une tzarine peu commode. « Les intrigues politiques c’est une tout autre mascarade que le bal » , le met-on en garde.
Il y a de la légèreté dans cette BD, tout fait sens, rien ne pèse, alors que l’histoire en elle-même n’est pas des plus simples. Certes, l’auteur joue sur l’ambivalence du personnage, mais réussit à ne pas concentrer son intrigue sur celle-ci. Les jeux de couleurs sont magnifiques, le trait fin et dynamique. Une plongée dans les intrigues de cours et autres coulisses diplomatiques dont on ressort émerveillé. Et la suite promet de tout autant passionner ; quand on sait du chevalier d’Eon qu’il sera condamné par le roi à porter le costume féminin de ses 50 ans jusqu’à sa mort… Vite, la suite !
« Shelley » et « Chamisso »
« Shelley » et « Chamisso », de David Vandermeulen et Daniel Casenave (Le Lombard)
L’ambition de la collection – Romantica – dans laquelle les BD « Shelley » et « Chamisso » sont publiées ? Parler de la vie et de l’œuvre de grandes figures du romantisme en mêlant à la biographie réelle une œuvre autobiographique de l’auteur. « Une approche fidèlement historique, soulignée par la vision personnelle et subjective de l’écrivain, pour tenter de comprendre de l’intérieur et de façon ludique les Romantiques » , nous explique-t-on en préambule. Entreprise séduisante. Belle réussite, si l’on considère ces deux premiers albums. Au cœur de ces ouvrages, des personnages aux noms qui ne vous diront peut-être rien, mais dont vous connaissez sans nul doute les œuvres, tout du moins leur existence. Savez-vous à qui l’on doit Frankenstein ? Dans « Shelley – La vie amoureuse de l’auteur de Frankenstein », le lecteur assiste à la naissance dudit roman *; dans la villa Diodati de lord Byron, juchée sur les rives du Léman. « Le plus célèbre roman gothique fut en réalité le produit d’un simple jeu, écrit en quelques jours par une jeune fille de 18 ans, inspirée par l’amour et la mort », confirme l’auteur dans un texte accompagnant la bande dessinée. Vous souvenez-vous dans quelle œuvre un homme vend son ombre contre la bourse de fortunatus, cette bourse qui ne se vide jamais ? « Peter Schlemihl » est l’invention d’un certain Adelbert Von Chamisso. *Le premier poète à avoir accompli, de 1815 à 1818, un véritable tour du monde ; un poète qui a même donné son nom à une île ! Les auteurs s’amusent avec l’histoire et les écrits des hommes dont ils proposent de retracer la vie. Ne cherchant pas la réalité historique la plus authentique, ils nous instruisent discrètement, avec un ton « léger et badin ». Des biographies – romancées – agréablement éloignées des schémas classiques. Ludiques et vivantes ; incarnées et passionnantes. Une collection à suivre !