Pas fan de romans ? Rattrapez-vous avec les versions BD
« Charly 9 », de Jean Teulé et Richard Guérineau
« Charly 9 », c’est un roman de Jean Teulé. C’est aussi, désormais, une bande dessinée. Dès la première scène, le lecteur est happé. Après des heures de discussions, Charly 9 – Charles IX version fiction -, alors âgé de 22 ans, cède à sa mère – Catherine de Médicis – et ordonne l’exécution de tous les protestants du royaume de France. « Tuez les tous, qu’il n’en reste pas un seul pour venir un jour me le reprocher. » Le massacre épouvantera l’Europe entière. C’est la fameuse nuit de la Saint-Barthélemy.
« Charly 9 », de Jean Teulé et Richard Guérineau (Delcourt)
La suite ? Le traumatisme, la folie : « Je suis comme les marbres du palais qui, quoique toujours lavés, s’obstinent à rester rouges », clame le jeune – et calamiteux retient l’Histoire – roi de France. Le rouge du sang versé en son nom, Charly 9 le voit partout. Il y a quelque chose de jubilatoire dans la façon dont Richard Guérineau réussit à mettre en avant le ridicule du personnage. Le ridicule, mais pas que : « Charly 9 » est beaucoup trop subtile pour se limiter à cela. S’y trouvent parfaitement mêlés – avec un grand sens du détail et de la mise en scène – le grave et le léger, l’effrayant et le grotesque.
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Le récit, en soi déjà, est passionnant : très documenté et plein d’anecdotes ; des « à-côtés » de l’Histoire qui rendent celle-ci réellement savoureuse à (re)découvrir. Le découpage, en une succession de courts chapitres, participe au dynamisme du récit ; extrêmement rythmé, vivant.
Et puis arrive – bien rapidement ! – la fin de Charly 9. Le roi a alors 23 ans et est haï de tous. Sur son lit de mort, il transpire du sang, « tout le sang [qu’il a] fait verser qui ressort par [sa] peau. » À l’image du récit, le dessin est riche. Si son évolution, au fil de la BD, peut en déstabiliser certains, cette expérience graphique participe finalement de la « riche étrangeté » de cet album. Au passage, pour ne rien gâcher : de jolis clins d’œil aux amateurs de BD , avec des séquences empruntant à Peyo, Johan ou encore Morris. Étonnant et passionnant.
« L’homme qui assassinait sa vie », de Jean Vautrin et Emmanuel Moynot
Autre adaptation – très – réussie : « L’homme qui assassinait sa vie ». Impossible de ne pas ressortir troublé de la lecture de cette BD. Comme dans tout – bon – polar, la dimension sociale est ici primordiale ; et la société à laquelle nous renvoie – nous confronte – cette fiction n’est pas belle. Les personnages de « L’homme qui assassinait sa vie » ? Un ex-taulard épris de vengeance, un salopard de vieux commissaire, un privé raté, des voyous idiots… Les décors ? Un parking, une aire d’autoroute, un motel… Ambiance.
« L’homme qui assassinait sa vie », de Jean Vautrin et Emmanuel Moynot (Casterman)
Emmanuel Moynot s’en donne à cœur joie ; il en donne en tout cas l’impression et le résultat est là. Comme si aucun autre trait n’aurait pu aussi bien coller au récit. Un récit dont émane de la douleur ; ce qui fait d’ailleurs éprouver au lecteur un certain malaise… étonnamment jouissif. Une lecture qui bouscule. Fort. Très efficace.
« Charly 9 » n’est pas le premier roman de Jean Teulé à se voir offrir une – bien belle – nouvelle vie par la bande dessinée ! Autres adaptations réussies : « Je, François Villon », « Le Montespan » et « Le magasin des suicides ». Toutes chez Delcourt. Pour l’anecdote, Jean Teulé vient de la BD. Joli clin d’œil de la vie que de voir aujourd’hui ses romans adaptés. Autre album à lire absolument, côté Jean Vautrin : « Canicule » version Baru (Casterman).