Neknomination & Co... pourquoi on fait des chaînes sur le Web ?
<strong>Tout est parti d'un nouveau genre de jeu a boire interactif, la NekNomination, qui a fait beaucoup reagir : pourquoi ne pas utiliser les chaines sur le Web pour etre plutot constructif ? Passage en revue des "nominations" les plus inattendues.</strong>
On connaissait le binge-drinking, phénomène social de soirée qui consiste à boire entre amis par défis organisés, et en grande quantité. Mais le phénomène a pris une nouvelle ampleur avec l’apparition de la NekNomination. Le principe : boire cul-sec la plus grande quantité d’alcool possible, en face d’une caméra, et nommer quelqu’un qui fera la même chose par la suite. Le concept a été rendu viral après une vidéo d’un rugbyman irlandais connu, et grâce à une rapide propagation sur les réseaux sociaux. Ça pourrait rester amusant et bon enfant si cela n’avait pas déjà provoqué des décès.
Le sociologue Olivier Glassey définit ce "jeu" comme "une manière de mettre au défi quelqu’un, tout en se mettant soi-même en valeur : 'Je bois, je me filme et je le montre, pourquoi pas toi ? T’es pas capable ?'" (lire son analyse complète sur LeNouvelObs). En gros, si on n'est pas bien dans sa peau, influençable, on va plus facilement se soumettre à cette proposition, pour se construire un bout d'identité. Bref, certains jouent les malins. Sauf qu’à malin, malin et demi, puisque sur ces vidéos en ligne, rien ne prouve que les liquides ingérés sont effectivement de l’alcool. De nombreuses associations se sont levées contre ce phénomène, même le ministère de l’Intérieur a réagi, et Facebook s’est faiblement défendu devant le nombre de pages créées, déclarant que le principe ne contrait pas leurs règles internes. Et si des pages parodiques ou sans alcool existent d’autres, plus perverses, incitent à l’alcoolisation.
Heureusement, et comme souvent, le phénomène a déjà été détourné de son origine. L’idée n’est plus d’humilier ou de défier quelqu’un en public, mais d’inciter à partager, rendre service, donner de sa personne. Là encore, les réseaux sociaux jouent un rôle, avec par exemple les pages HelpNominations sur Facebook.
On se filme en train de faire une donation pour une association, avec le montant attribué, et on appelle sa communauté à faire la même chose. Des vidéonautes avec une certaine popularité, comme la YouTubeuse beauté EnjoyPhoenix, qui a ainsi participé avec une vidéo envoyée à ses 800.000 abonnés pour les inciter à faire un geste pour Action Contre La Faim, par exemple.
Dévier le concept. Voici ce qui peut motiver certains internautes. Julien Voison, jeune bordelais, a ainsi été nommé à une Neknomination qui l’incitait à boire. S’il ne le fait pas, il se dégonfle auprès de ceux qui attendent cela de lui. Mais Julien répond à la Neknomination en proposant une alternative : non, il ne boira pas, il va acheter des hamburgers et les distribuer à des SDF. Intelligent détournement. Il crée ainsi les SmartNominations, fait le buzz dans le monde entier, et lance ainsi une nouvelle chaîne, non plus basée sur l’humiliation, mais sur la responsabilisation. Car Julien, comme d’autres, ne fait pas partie de ceux qui ont besoin de l’avis des autres pour se sentir bien.
Regardez la vidéo qui a tout lancé :
BloodNomination, pour inciter à donner son sang, HugNomination, pour distribuer des câlins, et même VoteNomination, pour inciter les citoyens à voter : de nouvelles natures de chaînes se sont depuis mises en place, et ce, dans de nombreux pays, jusqu’au Canada. Et si vous suivez la chaîne, ce n’est plus parce que vous êtes soumis à la pression des autres, du style “Si tu ne le fais pas, tu es naze”, mais si vous le faites, vous êtes en mode “bonus”. De nombreuses associations ont vu des promesses de dons en hausse depuis la mise en place de ces nominations. Sur les réseaux sociaux, certains se félicitent même de ne pas avoir attendu le phénomène pour participer : “ J e n'ai jamais eu besoin d'être défié ou filmé pour le faire ! _». Ce que confirme Julien Voison : _ “Que ça perdure, même sans caméra.”
Du coup, si au début de la NekNomination, on pouvait dire qu’on réagissait aux chaînes parce qu’on voulait juste s’amuser, voire que la pression sociale se faisait sentir même via les réseaux, avec ces “chaînes du cœur”, on arrive plus à une envie de changer les choses par des petits gestes au quotidien, et si on le fait, ce n’est plus pour faire “comme les autres” mais pour faire “plus que les autres”, et ainsi réellement se différencier de la masse.
