Periscope : tes potes et tes profs en direct sur Internet

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Publié le 01/06/2016 par TRD_import_Jean-SébastienLétang ,
Periscope, l’application de vidéo en direct pour smartphones, fait un tabac, y compris en cours. Mais son utilisation pose pourtant problème, malgré les usages pédagogiques que certains profs peuvent lui trouver.

« Peri », c’est le petit nom de cette application de vidéo live lancée il y a un peu plus d’un an et achetée à prix d’or par Twitter. Elle permet de filmer et de retransmettre une vidéo en direct à ses abonnés , qui peuvent y réagir en postant des commentaires, qui s’affichent sur la vidéo, ou en envoyant des « likes » sous forme de petits cœurs.

En France, Periscope s’est surtout fait connaître par ses dérapages : un joueur du PSG qui insulte son entraîneur en direct, des détenus qui se filment depuis leur cellule… **

S’échapper de sa bulle de travail

 » J’utilise Periscope dans les cours que j’aime le moins, pour ne pas m’ennuyer , comme en histoire-géo », confie Alexis, élève de terminale S à Lyon. « Dans ma classe, nous sommes quatre ou cinq élèves à nous en servir », ajoute-t-il. Et c’est souvent cet « ennui » qui vous pousse à dégainer vos smartphones en cours.

D’ailleurs, selon Maé, élève de seconde à Bordeaux : « Son utilisation est très fréquente en classe. On utilise Periscope car on trouve les cours ‘chiants' ». Une attitude que résume bien Julien, en DUT à Grenoble : « Si nous nous servons de plus en plus des réseaux sociaux en classe, c’est pour s’échapper de la bulle de travail qu’est la salle de classe , pour penser à autre chose. »

Qui regarde ces vidéos statiques de jeunes en gros plan, avec pour unique fond sonore un prof dictant son cours ? Sur Periscope, les vidéos sont accessibles à tous et s’affichent sur une carte du monde.  » La plupart des spectateurs sont des gens du coin , qui me retrouvent grâce à la géolocalisation, ou des amis « , explique Julien. Il compte « une cinquantaine de spectateurs » par live de cours, mais avoue qu’ un titre aguicheur peut faire monter l’audience. Il lui est d’ailleurs arrivé de rassembler jusqu’à « 90 personnes en même temps ».

En classe, la recherche d’un nombre record de viewers peut faire craindre des dérapages. Sur l’appli, on trouve de plus en plus de vidéos avec des titres comme « À 20, on fait une dinguerie en cours ! » Si ces promesses de happening font venir les curieux, elles sont rarement mises à exécution…

D’ailleurs, Marie, CPE dans un lycée d’Île-de-France, souligne que  » si le professeur ne s’en aperçoit pas , ce qui est souvent le cas car les élèves sont remarquablement discrets, Periscope ne génère aucune perturbation instantanée « . Pour autant, des professeurs de son établissement ont déjà découvert des vidéos d’élèves « plus tard, en regardant le replay, disponible un certain nombre d’heures ». Ses collègues sont « assez dépassés », et, pour eux, « ces technologies n’ont absolument pas leur place en cours ».

Profs et élèves filmés à leur insu

Au-delà de la discipline, Periscope pose un autre problème, plus grave, celui du droit à l’image. Les élèves « filment en général un grand nombre d’adolescents ou d’adultes sans leur autorisation », déplore Marie. Ils ne perçoivent pas du tout les conséquences d’un geste qui leur paraît complètement anodin ».

Pour Lionel, professeur de lettres dans un collège de Montesson (Yvelines), le danger réside dans « la non maîtrise du flux partagé ». L’enseignant, féru de numérique, souligne qu’ avec le direct, « on ne peut pas couper une séquence… Une fois que c’est diffusé, c’est trop tard ! » D’ailleurs, même lors d’un usage privé de Periscope , il invite ses élèves « à d ésactiver la géolocalisation et à faire attention à leur image , ainsi qu’à filtrer les comportements suspects ou irrespectueux « . Des astuces qui restreignent la diffusion des vidéos, en diminuant les risques de harcèlement.

De la blague à l’usage pédagogique

Lionel fait partie des enseignants qui voient en Periscope un potentiel outil pédagogique. Lors d’une sortie scolaire, il a d’ailleurs confié aux élèves un smartphone, en leur demandant d’utiliser Periscope et « de veiller au cadrage et à l’information à retransmettre en direct, pour un internaute qui voudrait savoir ce qui se passe en temps réel ».  » Pour l’éducation aux médias, c’est un exercice stimulant et intéressant « , explique-t-il, « la perspective de la publication et de l’interaction développe les compétences liées à l’expression ». Un avis que partage la CPE, qui y voit « un moyen de permettre aux élèves de découvrir qu’il est possible d’utiliser autrement ce portable avec lequel ils sont connectés quasi en permanence. »

Periscope mis à part, ces réflexions s’étendent également aux autres réseaux sociaux ayant envahi collèges et lycées – Facebook, Twitter et Snapchat –, et dont les élèves, comme Maé et Alexis, soulignent l’omniprésence. Dans son établissement, Marie observe « que plus des deux tiers des élèves ont un smartphone et accès à toutes ces applis ». Autant dire que le  »live permanent » du quotidien sur les réseaux fait désormais partie de la vie des élèves. Leur usage en classe dépasse donc la seule envie de braver l’autorité. Une réalité que les professeurs pourraient transformer en aubaine, tout en enseignant leur usage raisonné.

Par souci d’anonymat, certains prénoms ont été modifiés.