« Max Winson », le premier album BD de Jérémie Moreau

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Publié le 28/02/2014 par TRD_import_SoniaDéchamps ,
À 27 ans, Jeremie Moreau nous propose une belle reussite : "Max Winson", son premier album BD ou il est le seul maitre a bord. Rencontre avec ce jeune auteur - qui savait depuis son plus jeune age qu'il voulait faire de la BD.

Quel est votre parcours ?

J’ai commencé à 8 ans à faire le concours scolaire de la BD d’Angoulême ; d’abord en régional, puis en national. Le principe était de raconter une histoire, avec un début et une fin, en deux planches, dans le style que l’on voulait. Tous les ans, il fallait chercher une histoire pour l’année suivante, ce qui m’a vraiment formé jusqu’à mes 16 ans. C’est à cet âge que j’ai eu le grand prix de ce concours de la BD scolaire. Après le bac, j’ai cherché une école de BD, que je n’ai pas vraiment trouvée. Du coup, j’ai été attiré par les Gobelins ( l’école de l’image à Paris, NDLR ) où j’ai rencontré beaucoup d’étudiants très talentueux. J’ai appris à faire du dessin animé ; la mise en scène, le mouvement, la création de personnages, le dessin… Parallèlement, comme j’aimais toujours la BD, je tentais le concours au-dessus du concours scolaire de la BD à Angoulême : le prix jeune talent.

En sortant de l’école, je ne suis pas tout de suite consacré à la BD, je voulais concrétiser ce que j’avais appris dans le monde de l’animation. J’ai donc travaillé environ trois ans comme créateur de personnages (character designer) pour Mac Guff, un très gros studio parisien qui travaille pour Universal. J’ai ainsi planché sur « Moi, moche et méchant 2 » et « Le Lorax ». Je dessinais des personnages toute la journée, des centaines et des centaines… On les affichait au mur, le réalisateur passait et en choisissait un ou deux.

Mais très rapidement, j’ai eu besoin de raconter mes propres histoires. Petit à petit, j’ai glissé vers un mi-temps et j’ai essayé d’écrire ma première histoire. C’était très compliqué de se lancer, d’assumer un propos ; et même d’écrire, car je n’ai aucune formation à l’écriture. Je dessine depuis toujours, j’ai donc plein d’histoires qui se matérialisent graphiquement en tête, mais passer à l’écriture a été une étape très difficile.

Et là, Wilfrid Lupano, grand scénariste de BD…

Oui. Il a vu ce que je faisais sur mon site Internet et m’a envoyé trois scénarios, dont « Le singe de Hartlepool ». Au début, j’ai lu les trois, davantage pour découvrir comment on en construisait un. Finalement, je me suis projeté et j’ai vu ce que j’allais pouvoir faire du « Le singe de Hartlepool » graphiquement. Je me suis dit aussi que se tester déjà sur le dessin était un bon pied à l’étrier : est-ce que j’étais capable de tenir le même style sur toute une BD ? De mettre en image un scénario ? Faire cet album me permettait de régler tous ces problèmes techniques. Au-delà de ça, c’était une superbe rencontre avec Wilfrid. J’ai pris conscience de tout ce qu’incluait la réalisation d’un album : la promotion, ce qui se passe après sa sortie, comment le défendre…

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Et finalement, le premier album seul : « Max Winson » !

J’ai commencé à écrire mon histoire pendant que je travaillais sur « Le singe de Hartlepool ». C’était très dangereux d’ailleurs de commencer à se plonger dans une histoire sans avoir fini l’autre. L’album avec Wilfrid Lupano terminé, je me suis lancé à fond dans mon projet. Ça n’a pas été facile de convaincre l’éditeur : « Bonjour, je voudrais faire une BD tout seul, c’est sur le tennis, en noir et blanc, 300 pages et je n’ai jamais écrit de scénario de ma vie. » L’équipe s’est posé beaucoup de questions, mais a finalement décidé de me suivre. J’étais bien entouré. Au fur et à mesure, j’envoyais ce que je faisais à Wilfrid Lupano, qui me donnait ses conseils sur le scénario.

Aux Gobelins, vous dites avoir rencontré plein de gens talentueux… Exaltant ou déprimant ?

C’est très bien, passer par là est capital. On vient tous de notre petite contrée où on est le meilleur dessinateur de la classe, de sa région. Il y a un petit côté enfant star. Très jeunes, j’ai eu des prix, des articles sur moi, et l’impression d’être le meilleur de la planète. Puis tu arrives à l’école de dessin et tu dis : « Ok, voilà ce qui se passe un peu partout en France. » Je suis entré à 19 ans aux Gobelins, tandis que la plupart des autres élèves avaient fait une autre école avant. J’avais donc à mes côtés des jeunes de 23 ans qui avaient déjà une culture artistique, graphique, bien supérieure à la mienne. C’est très enrichissant.

Comment est née l’histoire de « Max Winson » ?

Quand je réfléchis, les idées commencent toujours par une petite phrase. Là, c’est parti d’un type qui a tout gagné dans sa vie et qui va essayer de perdre. C’était le postulat un peu absurde de départ et, petit à petit, le personnage de Max Winson est né. Je trouvais ça intéressant d’avoir un personnage qui n’avait jamais perdu, une idole absolue qui incarnait la performance, et qui, en même temps, avait une personnalité propre à l’opposé de tout ça. Max Winson est un personnage un peu encombré, introverti, qui n’a jamais rien choisi dans sa vie. Et puis, il y a cette question du libre arbitre : remettre sa vie en cause, prendre le pouvoir et choisir de perdre.

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Comment vous viennent les idées ? On découvre notamment dans cette BD une machine assez incroyable…

Je vais marcher et j’imagine mon histoire. Je fais ça depuis tout petit. Là, je m’étais dit qu’il fallait que le personnage ait un entraînement hallucinant. L’idée m’est venue que sa chambre pourrait être un court de tennis. Après, je me suis dit que cette machine qui lui envoyait des balles pourrait se transformer en lit. Et pour y accéder, il faudrait qu’il tape un certain nombre de balles.

Il est aussi question de la pression que certains parents peuvent excercer sur leurs enfants. On le voit avec le père de Max. On retrouve cette pression dans le milieu sportif, comme ici, mais pas uniquement…

Je n’avais pas choisi le tennis dès le début, c’est venu bien après. Pour faire cet album, j’ai beaucoup lu de philo sur le thème du sport notamment. J’ai aussi lu dans l’Équipe un dossier sur les parents de champions. Il y a des dérives hallucinantes. Par exemple, un père qui droguait les adversaires de sa fille pour qu’elle gagne jusqu’à ce que l’un d’eux ait un accident mortel. Finalement, le père de Max est presque doux en comparaison. L’album frise le burlesque avec ce père tellement obsédé par la victoire qu’il n’a plus que ce mot à la bouche !

En quoi c’est différent de travailler seul ?

Quand j’envoie des dessins pour un scénariste, je n’ai pas la même liberté car je connais ses goûts. C’était la même chose quand je travaillais pour les grands studios. Travailler seul, c’est retirer le filet, c’est faire le grand saut. Et c’est très angoissant car on est face à soi-même et tout est possible. On se retrouve dans une solitude absolue. Que vais-je raconter ? Qui ça va intéresser ? Tous les matins, on se lève et on est seul, personne n’attend quoi que ce soit. Quand il y a un scénariste, il y a tout de même une équipe. Ça change pas mal de choses quand même !