La Vie Scolaire : Grand Corps Malade, « Il n’y a pas une seule façon de voir les choses. Il n’y a pas un jeune qui est pareil »

La Vie Scolaire : Grand Corps Malade, « Il n’y a pas une seule façon de voir les choses. Il n’y a pas un jeune qui est pareil »
Publié le 28/08/2019 par priscillabm ,
À l'occasion de la sortie du film La Vie Scolaire, L'Etudiant Trendy a interviewé ses réalisateurs : Grand Corps Malade et Mehdi Idir. 

Deux ans après le succès de Patients, Grand Corps Malade retrouve Mehdi Idir pour réaliser La Vie scolaire, qui raconte une année dans un collège réputé difficile de Saint-Denis, en région parisienne. On y suit notamment Samia (Zita Hanrot), une jeune CPE qui débarque de son Ardèche natale et qui, dès son arrivée, sera confrontée à des problèmes de discipline, mais aussi à la réalité sociale pesant sur le quartier. Cependant, elle y découvrira aussi la vitalité et l’humour des élèves et de son équipe de surveillants et elle rencontrera un jeune ado prometteur qui changera sa vie. À l’occasion de la sortie du film, L’Etudiant Trendy a eu l’honneur d’interviewer les deux réalisateurs pour en savoir un peu plus sur les coulisses de réalisation et le message véhiculé.

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Votre premier film nous plongeait dans un centre de rééducation pour handicapés lourds et s’inspirait de votre vie. Celui-ci suit des élèves et du personnel enseignant dans un collège difficile de Saint-Denis. D’où a émergé l’idée de ce film, qu’est-ce qui vous a donné l’envie de le réaliser ?

Mehdi Idir : « On était en montage de Patients, notre premier film et on avait déjà envie de recommencer. La thématique du collège est venue tout de suite car on avait pas mal d’anecdotes qu’on se racontait régulièrement, on a beaucoup rigolé et on a beaucoup aimé nos années collège. Rapidement, on s’est dit qu’il fallait qu’on parle d’une CPE. Déjà, parce que ça n’avait jamais été fait et aussi parce que c’est un métier qui est un peu à la croisée des chemins, entre les élèves, les parents d’élèves, les professeurs et le personnel administratif. C’était intéressant pour nous parce que ça nous permettait de développer, autour de ce personnage, pas mal d’autres personnages et d’histoires. »

J’ai entendu dire que c’était un peu inspiré de votre jeunesse, Mehdi, et que le personnage principal vous ressemblait beaucoup. Comment avez-vous trouvé cet acteur ?

Grand Corps Malade : « On l’a trouvé en casting sauvage. On avait décidé de faire ce genre de casting pour tous les élèves. On ne voulait pas aller prendre des apprentis comédiens qui sortaient de cours de théâtre ou d’agences de casting. On voulait filmer des gamins qui venaient directement de ces quartiers populaires, pour que ça sonne plus vrai. On en a trouvé beaucoup à Saint-Denis, dans le quartier où on a tourné, le quartier de Franc Moisin. Tous les figurants viennent du collège où on a tourné. Pour Liam Pierron, qui joue le personnage de Yanis, il est venu un jour au local qu’on avait ouvert pour que les gamins viennent passer des essais quand ils le voulaient. Il ne venait pas passer le casting, il accompagnait juste un pote. C’est vraiment la belle histoire comme il en existe plein dans le cinéma. Il ne voulait pas passer le casting et puis finalement, l’assistante du directeur l’a filmé en lui demandant de dire un peu quelque chose, de donner la réplique à son pote et puis quand on a vu les images de ces essais-là, on s’est dit qu’il avait quelque chose et après plusieurs essais, c’est devenu une évidence pour nous que c’était le personnage qu’il nous fallait. »

Comment était-ce de jouer avec des jeunes qui n’avaient jamais fait ça avant ?

GCM : « C’était très facile. On a été agréablement surpris par leur discipline, leur envie de bien faire. Tu voyais qu’ils se sentaient honorés et valorisés d’avoir été choisis parmi tant d’autres et donc qu’ils avaient envie de bien faire. En plus, on a tourné dans des conditions pas faciles. On a tourné l’été dernier, il faisait plus de 40 degrés dans les salles de classe, il fallait jouer des scènes d’automne avec des manches longues, des bonnets, des manteaux. Et ils ont été très, très pros. On savait qu’ils allaient être bons, parce qu’on les avait choisis, mais on ne savait pas comment ils allaient se débrouiller et ils étaient super bons, en plus avec cette petite magie qu’amènent les gamins qui ne sont pas acteurs à la base, où parfois, ils amènent leur personnage un peu ailleurs parce qu’ils sont eux-mêmes. On leur a demandé de s’approprier vraiment le texte, de ne pas hésiter à sortir des phrases à eux, de chahuter dans la salle de classe. Ils nous ont bluffés, on a été très content de leur travail. »

J’ai entendu dire que vous étiez allés dans des collèges, à la rencontre de professeurs et de CPE avant de tourner. Qu’est-ce que vous y avez appris ?

Mehdi Idir : « On a appris pas mal de choses, surtout à propos du métier de CPE. On a appris que c’était un métier dense, speed. Nous, quand on l’avait écrit, c’était un peu plus calme. Quand on est allés en observation, on a tout de suite ajouté pas mal de choses. On s’est rendu compte que le bureau de la CPE c’était un peu un moulin, où tout le monde rentre et demande des choses et ça, on l’a ajouté après être allés au collège. Il y avait tout le temps un professeur, un élève ou un parent d’élève qui passait la tête. Dans une même journée, un CPE ça peut faire pas mal de choses. »

Est-ce qu’il y a une anecdote dont vous avez été témoin et qui vous a marqué ?

Mehdi Idir : « On était dans le collège, on discutait avec un professeur et d’un coup, il y a un élève qui est passé, le professeur l’a interpellé en lui disant : “ Mais qu’est-ce que tu fais là, tu te fiches de moi, pourquoi tu n’étais pas à mon cours ce matin ?” Le petit lui a répondu qu’il était à son procès. Et ça on l’a mis dans le film. »

GCM : « Il y a beaucoup de choses, des petites phrases comme ça, qui nous ont été directement inspirées par ce qu’on a vu ou entendu dans le collège. Ce film parle de nos anecdotes à nous, de nos années collège, de nos souvenirs, mais on y a mis aussi plein de choses qu’on a découvertes en observation. »

Qu’est-ce que vous aimeriez que le public retienne de votre film en particulier ?

GCM : « Que tout n’est pas si simple qu’on veut bien le croire ou nous le faire croire dans les médias ou d’autres films. On a essayé d’être dans la nuance, que ce soit quand on parle des élèves, des professeurs, du quartier. Il n’y a pas une seule façon de voir les choses. Il n’y a pas un jeune qui est pareil. Chaque famille a sa particularité. Chaque jeune a ses qualités et ses défauts. On a essayé de faire en sorte que le film sonne le plus vrai possible. On connaît bien ces quartiers-là, on a grandi dans ces quartiers-là, on est allés à l’école dans ces collèges-là, donc on a essayé d’être au plus proche de la réalité et cette réalité, elle est faite de plein de nuances. Il y a beaucoup d’humour, de vie, de dynamisme, mais aussi de la violence, de la misère, des choses compliquées, des gens qui y croit et qui veulent s’en sortir, d’autres qui ont lâché l’affaire. Ce film est plutôt souriant, même si derrière on se pose des questions plus dures sur le système éducatif dans ces quartiers-là. »