L’interview indiscrète : les premières fois de Mouloud Achour

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Publié le 02/12/2015 par TRD_import_CarlaKakoun , Mis à jour le 28/09/2023 par TRD_import_CarlaKakoun
Journaliste et animateur, Mouloud Achour demarre tres jeune dans le metier. Passionne de rap, il est passe par les cases MTV, le magazine "Radikal", et au "Grand Journal" de Canal+ pendant 5 ans, avant de lancer sa propre societe de production en 2014, Premiere Fois. Aujourd'hui, il anime son emission, produit sa plate-forme Web "Clique.tv" et fait jouer ses talents dans "le Petit Journal" de Yann Barthes. Flashback sur son adolescence, ses premiers coups de coeur… et ses premiers coups durs.

CÔTÉ ÉTUDES

**La première fois que j’ai stressé pour un examen

C’était pour le permis de conduire. Je passais mon code et j’ai voulu copier sur mon voisin, alors que tout le monde sait que ça ne sert à rien : on n’avait pas les mêmes questions. Du coup, je n’ai pas eu mon code.

La première fois que j’ai eu « une taule » à un examen

En fait, j’étais un superélève, je ne me suis jamais foiré à un examen. La seule matière qui me faisait défaut, c’était l’EPS. C’était le mercredi matin et je faisais de la radio le mardi soir… Alors je restais dormir.

La première fois que j’ai séché

J’ai séché les cours quand j’ai commencé à avoir le virus de la radio. Vers la fin des années 1990 et en 2000, je vivais l’explosion du rap français, avant que les radios ne s’en emparent. Je voyais un bouillon de créations. Je traînais tout le temps dans les studios de musique pour voir ce qui se faisait. Je disais à mes parents qu’on était en train de vivre une révolution qui allait marquer à jamais l’histoire de la musique. Ils me prenaient pour un taré.

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CÔTÉ LOOK*

La première fois que je me suis acheté tout seul mes fringues

Mon premier souvenir de fringue, c’est un survet’ Lacoste, le vert classique. Je ne l’avais pas acheté en magasin, mais à une meuf qui l’avait volé. On avait une copine qui volait des fringues pendant la pause dej’ au centre commercial Rosny 2. Une fois, elle m’a demandé de l’accompagner… Je n’ai pas réussi à le faire. Elle ne se faisait jamais prendre, « elle volait de ses propres ailes » [rires].

La première fois que je me suis senti bien sapé

C’était cet été en vacances, quand j’étais à l’hôtel Château-Marmont, à Los Angeles, aux États-Unis. Je me baladais partout en short et en chaussons alors que c’était un hôtel fréquenté par des gens un peu « chés-bran ». Je me sentais beaucoup plus frais qu’eux, car bien dans ma peau.

La première fois que je me suis trouvé ridicule dans mes vêtements

C’est venu à retardement. Je regardais des vieilles émissions de MTV [Mouloud y a travaillé pour des émissions sur le rap] et j’ai remarqué que je m’habillais vraiment comme un « désaxé »; c’est vraiment le mot approprié. Je portais des trucs avec des motifs partout, c’était très chelou.

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CÔTÉ SORTIES/LOISIRS*

La première fois que je suis allé à un concert

En 91, c’était le concert de MC Solaar au stade Huvier à Noisy-Le-Sec, là où j’ai grandi. C’était pour la fête municipale. MC Solaar n’avait pas encore sorti son titre « Bouge de là ». Il démarrait et, pour la première fois de ma vie, je voyais du rap, j’étais complètement choqué. Il y avait des petits derrière lui qui avaient mon âge : c’était Kerry James, Ideal J et DJ Mehdi.

La première fois que j’ai acheté un disque

Je devais être en classe de sixième, j’ai acheté « The Cronic » de Dr. Dre.

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CÔTÉ INDÉPENDANCE*

La première fois que j’ai acheté une voiture

Je n’ai pas le permis de conduire. J’ai acheté un scooter quand j’ai commencé à venir à Paris, j’étais encore jeune. J’avais la phobie du métro : je rêvais même de correspondances la nuit ! J’avais des rendez-vous à Paris tout le temps, or je venais d’emménager à Clichy-sous-Bois [93]. En scooter, je mettais une heure pour venir, plutôt que deux en transports en commun. C’était encore beaucoup, mais j’avais la foi, je m’en foutais. J’étais prêt à tout pour rencontrer les gens, pour écrire des articles. C’était avant Internet, il fallait être vraiment partout.

La première fois que j’ai quitté le nid familial

Quand j’ai acheté mon scooter !

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CÔTÉ PREMIER JOB*

La première fois que j’ai pris un job étudiant

J’ai commencé à la radio en 98, je n’étais pas payé pour ça. Je bossais aussi pour le magazine « Radikal ». C’est à partir de 2004 que j’ai gagné de l’argent. J’ai eu pas mal d’années de galère.

La première fois que j’ai eu une paie (et comment je l’ai dépensée)

J’écrivais des articles pour « Radikal ». C’était à Saint-Ouen et il y avait un Quick. J’ai invité tous mes potes, en mode « Hey les gars, on va tous au Quick ! » On était quatre, mais c’était beaucoup pour moi. Une fois que j’ai eu ma prime, parce que j’avais écrit pas mal d’articles (à terme je réalise que je me suis fait exploiter !), je les ai invités à l’Hippopotamus. Du coup, j’ai dû réduire le nombre d’amis !

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CÔTÉ CARRIÈRE*

La première fois que j’ai eu le déclic pour mon métier

Quand je me suis pointé à la radio. J’accompagnais une association militante qui s’appelait « Le mouvement de l’immigration des banlieues ». Ils faisaient une émission où ils parlaient à des gens qui étaient en prison. J’ai vu une autre façon de faire de la radio. Je ne savais pas que ça pouvait servir à ça. J’avais l’impression que les médias traditionnels ne s’occupaient pas de nos problèmes à « nous », et que les radios ne passaient pas de rap, une musique qui nous touche tous.

Côté « écriture » en tant que telle, je sais que j’ai toujours écrit. Petit, j’inventais des contes. J’étais – et je suis toujours – fan de la série « Dragon Ball Z », et j’imaginais des histoires qui pouvaient arriver à ces personnages. J’avoue que j’ai même une pièce chez moi dédiée aux figurines de mangas ! Je pense même que ça a influencé ma façon de bosser et notamment de monter les équipes de « Clique » de Première Fois. Par exemple, les valeurs véhiculées dans « les Chevaliers du Zodiaque » : pour moi, c’était la définition même de l’amitié, de ce que tu es capable de faire pour tes proches.

La première fois que j’ai passé un entretien d’embauche

Jamais de ma vie. Je n’ai jamais voulu ! Je n’ai jamais fait de stages, je me disais qu’il fallait, quoi qu’il arrive, être radical. J’ai toujours essayé de me différencier et de montrer ce que je savais faire. Dire tout simplement : « Ce qui m’intéresse, c’est ça. Je vous fais écouter, voilà ce que je sais écrire, est-ce que ça vous plaît ? » C’est comme dans l’émission du « Petit Journal » aujourd’hui, ça leur parlait de diffuser Clique, et moi, c’est ce que j’avais à leur proposer. On ne m’a jamais chassé, ni débauché. Il a fallu parfois que je me réinvente , mais je suis très content, car à l’époque du « Grand Journal », j’avais perdu cette force de proposition, et je l’ai retrouvé aujourd’hui. Il n’y a que comme ça que j’arrive à créer.

La première fois que j’ai eu une galère pro

La première de la journée ou de la semaine ? [rires]. Mes 20 premières années à Noisy-le-Sec ont été galère. Les perspectives étaient très limitées, voire inexistantes. C’était dur d’imaginer ce que j’allais faire de ma vie. Quand tu voyais que tes potes n’avaient pas d’idéal de taff… Ce n’était même pas le problème de voir grand, mais de voir tout court. J’avais décidé d’être journaliste, j’avais ça en moi depuis mes 10 ans. On ne m’a jamais orienté vers les bonnes filières. Il a fallu que je me bouge tout seul.

La première fois que j’ai été fier d’une réussite pro

Je ne le suis pas encore. Parce que je me dis que ce n’est pas moi qui ai fait le boulot, mais c’est la personne que j’interviewe en face de moi. C’est elle qui a réalisé un film ou un album incroyables ou écrit un superbouquin. C’est elle qui répond aux questions, qui a eu toutes ses idées… Le moment où je serai fier de moi ? Quand je fonderai une famille.

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CÔTÉ #JEDOISBIENLAVOUER*

La première fois que j’ai fait un gros mensonge à mes parents

Ça a duré assez longtemps. J’habitais dans un 4-5 mètres carrés à Paris, plus rien ne marchait pour moi. C’était juste après le journal « Radikal ». Tout était en train de se péter la gueule. Pour les rassurer, je disais tout le temps à mes parents que tout allait bien. Je restais sur Paris, je ne retournais pas chez eux. Mais je n’aime pas regarder dans le passé : il ne m’attire pas.