L’interview indiscrète : les premières fois de Christophe Carrière

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Publié le 10/08/2015 par TRD_import_SophiedeTarlé ,
Grand reporter en charge du cinema a "L'Express", Christophe Carriere est aussi chroniqueur a l'emission "Touche pas a mon poste" sur D8. Il publie un premier roman autobiographique "Un pere et passe" (Michel Lafon) ou il raconte sa jeunesse digne d'un roman de Dickens. Retour sur son adolescence.

Mis en nourrice jusqu’à neuf ans, il ne vivra avec ses parents que tardivement. À 16 ans, il quitte l’école et travaille sur les marchés. Sa passion pour le cinéma le pousse à créer un fanzine qu’il distribue à la sortie des salles. Une passion qui lui ouvrira les portes de la presse avec le magazine « Première », puis « L’Express » et la télévision.

CÔTÉ ÉTUDES

La première fois que… j’ai stressé pour un examen

« Je n’ai aucun diplôme, et je n’ai jamais passé d’examen sauf le permis de conduire , trois fois ! Le code ne m’a posé aucun problème, je l’ai eu tout de suite, avec la pratique j’ai eu plus de mal. Je l’ai passé deux fois à 20 ans, mais je ne l’ai obtenu qu’à 30. À l’époque, je vivais avec ma copine à Villiers-sur-Marne. C’est elle qui me conduisait et elle a fini par demander à tous mes amis de se cotiser pour me le payer ! »

La première fois que… j’ai séché

« Jusqu’au lycée, j’étais plutôt bon élève. Mais j’étais un littéraire, et le lycée voulait m’orienter en A (L aujourd’hui), ce qui n’était pas du tout du goût de mon père, qui, lui, ne jurait que par la C (section scientifique). J’ai commencé à sécher lors de ma deuxième seconde au lycée Jean-Macé de Vitry (94). Comme mon père voulait me retirer de l’école à la fin de l’année, je savais que cela ne servait plus à rien d’y aller. Le matin, j’allais en cours, et l’après-midi, je filais au cinéma. Je payais ma place en piquant 10 francs (environ 1,40 €) dans le porte-monnaie de ma mère (je crois que je ne lui ai jamais avoué). Et le soir à partir de 17 h, je travaillais au cours des Halles d’Ivry, où je vendais des fruits et des légumes. »

« J’ai 8 ans et je ne frise pas encore. » // © Photo fournie par le témoin

CÔTÉ LOOK

La première fois que… je me suis senti bien sapé

« Quand j’ai commencé à aller à la télévision sur la chaîne Paris Première, je présentais les films. Lanvin me prêtait des costumes, trois à quatre différents chaque semaine. Et comme ils oubliaient parfois de me les réclamer, j’ai pu m’habiller en Lanvin de la tête aux pieds. J’avoue que ça changeait des vêtements dont j’avais l’habitude ! Je portais aussi des chaussures incroyables. Aujourd’hui, à « Touche pas à mon poste, » nous sommes habillés par The Kooples. Et c’est très bien taillé aussi. »

La première fois que… je me suis trouvé ridicule dans mes vêtements

 » À l’école primaire, j’étais vraiment habillé comme un sac, avec un col roulé qui gratte et un pantalon en velours côtelé, alors que je rêvais d’une chemise de grand-père. Ce n’est qu’à 16 ans que j’ai enfin pu m’habiller dans les friperies des puces, comme tous les ados de l’époque. Mais plus tard, vers 25 ans, j’ai eu une petite amie qui, comme toutes les filles, voulait me rhabiller. Le problème est qu’elle voulait faire de moi un mix de Johnny Clegg et de clown. Le pire était sans doute la coiffure : une queue de rat jusqu’au milieu du dos. J’ai attendu d’avoir 30 ans pour la couper. À ce moment-là, mes copains m’ont dit que j’avais passé un cap ! Je devais être le seul à ne pas me trouver ridicule. »

CÔTÉ SORTIES/LOISIRS

La première fois que… j’ai été à un concert

 » Le concert de Madonna au parc de Sceaux en 1987 où elle jette à la foule sa petite culotte (le ‘Who’s That Girl Tour’ rassembla 130.000 personnes, NDLR). J’y étais dès neuf heures du matin alors que le concert n’avait lieu que le soir. »

La première fois que… j’ai acheté un disque

« À neuf ans, le 45 tours ‘Difficile de choisir’ de Noam. C’était un jeune chanteur israélien de 14 ans qui chantait une chanson déchirante sur le thème de la séparation des parents. Quand on l’écoute une fois, on l’a dans la tête toute la journée. Noam avait été parrainé par le chanteur Mike Brandt. C’est lui qui chantera par la suite en 1978, le générique du dessin animé « Goldorak », qui aura un énorme succès. »

La première fois… qu’un livre a changé ma vision de la vie

« Sans doute ‘Vipère au poing’ d’Hervé Bazin que j’ai lu à 12-13 ans. À ce moment-là, j’ai pensé : cette histoire, je la connais, c’est aussi la mienne. Mais surtout, j’ai réalisé qu’on pouvait avoir le dessus, qu’on pouvait se battre, être plus fort que les parents. Les dernières lignes du livre donnent à peu près cela : ‘Cette vipère, je la brandis, je m’avance dans la vie avec ce trophée. Merci ma mère ! Je suis celui qui marche, une vipère au poing.’ Ce livre a été un vrai déclic pour moi. »

« J’ai 18 ans. Je ne me suis jamais rasé. » // © Photo fournie par le témoin

CÔTÉ INDÉPENDANCE

La première voiture que… je me suis payé

« À 30 ans, une Autobianchi 500, un vrai pot de yaourt que j’ai acheté à une journaliste. Cette voiture a une histoire incroyable puisqu’elle a transporté Brian de Palma et Kirk Douglas. Huit mois après, j’ai eu un accident, mais sinon, j’aurais peut-être pu la vendre au Planet Hollywood ! »

La première fois que… j’ai quitté le nid familial

« Le jour de mes 18 ans. J’ai pris une chambre d’hôtel. Mais comme mon père m’avait expliqué que je n’avais le droit de quitter la maison qu’avec mes vêtements, j’ai laissé tous mes disques, mes livres, et de magnifiques affiches de films que je collectionnais. Je n’avais que très peu d’argent. Car si je travaillais depuis des années pour mon père sur les marchés, il n’a jamais voulu me payer ce qu’il me devait. À la limite, je lui devais de l’argent pour tout ce que je lui avais coûté… « 

CÔTÉ PREMIER JOB/CARRIÈRE

La première fois que… j’ai passé un entretien d’embauche

« Dès que j’ai quitté la maison, j’ai cherché du travail. Comme j’avais déjà travaillé sur les marchés, j’ai postulé chez un maraîcher rue d’Auteuil à Paris. Le premier jour, il m’a regardé installer la marchandise, et il m’a embauché immédiatement. J’ai vécu avec la caissière, et à 20 ans seulement, j’ai eu un fils qui en a 30 aujourd’hui. Il est aussi passionné par le sport que moi par le cinéma. Il pourrait parfaitement devenir journaliste sportif. J’ai eu bien plus tard deux autres enfants qui ont aujourd’hui 8 et 5 ans. »

La première fois que… j’ai eu le déclic pour ma carrière

« Depuis que je suis petit, j’ai toujours été passionné par le cinéma. À 19-20 ans, j’écrivais des critiques de films sur un bloc Rhodia que je recopiais ensuite à la machine à écrire. Je les ai envoyés au « Parisien » et au magazine « Starfix ». Ils ne m’ont jamais répondu. Ensuite, j’ai créé un fanzine, ‘Cinéclip’, devenu ensuite ‘7ème artifice’. Avec des colporteurs, nous le vendions 20 francs (environ 2,90 €) à l’entrée des cinémas. Il sortait tous les deux mois, et nous avions parfois des copains sympas qui mettaient de la pub. À la fin, nous le vendions à 8.000-9.000 exemplaires. »

La première fois que… j’ai eu une grosse galère dans ma carrière

« J’ai lâché les fruits et légumes, car ce fanzine m’a petit à petit occupé à plein temps, et ce pendant une dizaine d’années. Nous étions trois, une gérante, une secrétaire, et toute une équipe commerciale composée d’étudiants payés à la commission. Mais la société que nous avions créée était en déficit permanent. C’était vraiment la galère. Je devais même loger chez une copine. »

La première fois que… j’ai été fier d’une réussite pro

« En 1994, j’ai été embauché au magazine de cinéma « Première  » où travaillait Éric Libiot (aujourd’hui rédacteur en chef culture à L’Express, NDLR). En parallèle, je bossais pour « Nova magazine », Radio Nova et « Actuel » avec Jean-François Bizot (fondateur d' »Actuel » et de « Nova »). Il m’a tout appris en 45 minutes, en corrigeant un papier sous mes yeux. Ces sept années, entre 1994 et 2001, ont été une époque bénie pour moi. Vingt ans après, je trouve encore des infos intéressantes dans de vieux numéros de « Première ». J’ai aussi été très fier quand on m’a confié la responsabilité de trois numéros de « Vidéo 7″. C’était un magazine où l’on pouvait lire des reportages extrêmement variés, comme par exemple un reportage sur le porno gay, un entretien avec Jean Lefebvre, un autre avec James Cameron et la vidéothèque de Gilbert Montagné ! »

« J’ai 22 ans, je vais au resto pour un déjeuner de fête des mères avec l’intéressée et ma petite sœur. » // © Photo fournie par le témoin

CÔTÉ LOVE

La première fois que… j’ai embrassé une fille

« À 16 ans, je suis parti en Yougoslavie en vacances dans un complexe hôtelier. C’était avant la guerre, et le pays était encore communiste. Le choix des repas était très restreint. En entrée, nous avions le choix entre soupe et potage, c’est dire. Sur place, j’ai rencontré une jeune fille avec qui j’ai amélioré mon anglais. Mais la langue universelle, c’est tout de même l’amour. Je me souviens d’une soirée sur la plage avec elle, c’était très romantique. Nous nous sommes embrassés pendant des heures. Quand je suis revenu dans ma chambre, j’étais dans un état de nerfs ! »

La première fois que… je suis tombé amoureux

« Elle s’appelait Anne. À 17 ans, je vendais toutes sortes de choses dans un stand de la gare d’Austerlitz, et je la croisais tous les jours alors qu’elle revenait de son travail. Petit à petit, nous avons sympathisé et bu des verres. Ce qui m’impressionnait chez elle, c’est que pour avoir l’heure, elle sortait un réveil de son sac. Cela me rappelait une scène de « Police Python 357″, avec Yves Montand et Stefania Sandrelli, une actrice italienne qui, dans le film, a un réveil dans son sac. Ce détail m’avait fasciné, séduit… J’ignore encore pourquoi. Son côté ‘babos’ sans doute, original… Bref, je suis tombé raide dingue d’Anne. Mais il ne s’est rien passé. Le pire, c’est qu’un jour, elle a laissé un mot sur ma porte : ‘Je suis partie de chez moi, j’ai nulle part où dormir, je reviendrai demain’. Inutile de dire que le lendemain, je n’ai pas bougé d’un pouce ! Mais elle n’est jamais revenue, et je n’ai jamais plus eu de nouvelles ! »

La première fois que… j’ai fait l’amour

« À 17 ans, avec une fille qui s’appelle Elizabeth. Mon père m’avait prêté sa garçonnière, un studio Porte Maillot. C’est l’une des rares choses qu’il ait fait pour moi. Je sortais avec elle depuis environ deux mois et nous avons passé tout le dimanche après-midi ensemble. C’était un peu mécanique, mais c’était un bon souvenir pour moi et pour elle aussi je pense. »

CÔTÉ #JEDOISBIENLAVOUER…

La première fois que… j’ai fait un gros mensonge à mes parents

« C’était pour un sandwich au gruyère que mon père a voulu me faire manger. Je n’aimais pas le fromage et je lui ai dit que je l’avais mangé alors que je l’avais jeté dans le vide-ordures en douce. Quand il s’en est aperçu, il m’a obligé à descendre jusqu’au local poubelles, et m’a obligé à le sortir du tas d’ordures pour le manger. C’est une scène que je raconte dans mon livre. »

La première fois que… j’ai pris une grosse cuite

« Je devais avoir 23 ans, et c’était la mode des tequilas rapido. Avec des amis, on s’amusait. L’un versait dans la bouche d’un pote de la tequila pendant que l’autre versait du Schweppes, et hop on le redressait brutalement. Le lendemain midi, ce fut le trou noir. Je me suis réveillé dans le lit du copain qui n’était plus là. À la place il y avait une fille, et on était nus. Mais je ne me souvenais plus de rien et encore moins de son prénom. Très gêné, je lui ai proposé de prendre le petit déjeuner dehors. Au moment de prendre son numéro, elle m’a vu hésiter et m’a dit comment elle s’appelait. ‘Ben oui, je sais, quand même !’ ai-je répondu, comme un gros menteur… »