L’actu en BD : 3 albums pour s’intéresser à l’immigration

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Publié le 23/04/2014 par TRD_import_SoniaDéchamps ,
Quitter son pays pour tenter de se faire une vie meilleure ailleurs : il n 'y a pas que 3 minutes de reportages tele pour vous le raconter. Quand la BD s'empare de recits vecus d'immigres, elle vous offre une bonne occasion d'aller plus loin sur la question.

« Amazigh. Itinéraire d’hommes libres », de Mohamed Aresdal et Cédric Liano

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« Amazigh. Itinéraire d’hommes libres », de Mohamed Aresdal et Cédric Liano (Steinkis)._

« Je déteste le pays dans lequel j’ai grandi. Je n’y ai aucun avenir (…) Je dois partir. » C’est son histoire que raconte Mohamed Aresdal dans « Amazigh » ; comment, à 18 ans, il a décidé de quitter le Maroc pour tenter sa chance en Europe. Mais qui dit voyage, dit passeur… dit argent. La solution : les parents ; son père est « un homme très bien organisé, depuis toujours il range l’argent de la caisse [de son magasin]… au même endroit. » Commence alors un vrai périple : le déplacement d’une planque à l’autre, l’attente, l’incertitude. Et « la peur et l’espoir [qui] s’entremêlent ». « Que suis-je en train de faire ? » se demande Mohamed au moment de traverser la Méditerranée, à bord d’un bateau qu’il a lui-même terminé de construire.

La suite, elle se passe aux Canaries où il se fait rapidement arrêter. Centre de rétention pour mineur, test de majorité, tentatives de fuite… Et finalement, le retour au pays. Mais attention : en avion. Malgré les circonstances, Mohamed « adore ça » ; il s’agit pour lui d’une première fois. Un récit intense qui jamais ne penche vers le misérabilisme. Alors même qu’il s’agit de sa propre histoire, Mohamed Aresdal réussit à prendre le recul nécessaire à ce que le lecteur se sente à sa place à ses côtés. Si son entreprise clandestine aura été un – violent – échec, la foi en l’avenir, Mohamed la retrouvera… au Maroc.

 » Clandestino », d’Aurel

« Clandestino » est une fiction qui a tout d’un documentaire. Pour écrire cet album, le dessinateur de presse Aurel s’est inspiré de reportages réalisés aux côtés de Pierre Daum pour « le Monde diplomatique » ; frustré qu’il était de ne pas avoir pu exploiter tous les matériaux « stockés ». Dans cet album, toutes les informations sont vraies. Si les mises en scène sont fictives, les situations rapportées ainsi que la plupart des personnages sont inspirés de faits avérés et des personnes réelles. Héros fictif, Hubert Paris est un journaliste français free-lance ; un ancien secrétaire de rédaction pour un grand magazine français qui en a un jour eu « marre de corriger les copies mal écrites de soi-disant stars du journalisme. Ceux-là mêmes qui ont une tête à ne plus passer les portes. »

« Clandestino », d’Aurel (Glénat).

Ses preuves, le directeur de la rédaction d’un magazine américain de grand reportage, « Struggle », lui donne l’occasion de les faire. Direction l’Algérie, pour contribuer à un dossier sur « les migrants à travers le monde ». Sur place, Hubert rencontre deux « harragas », de jeunes Algériens prêts à risquer leur vie pour rejoindre l’Europe. Rachid le lui dit clairement : « J’ai fait des études. J’ai des diplômes. Je suis prêt à faire n’importe quoi en Europe, plutôt que rien ici. » Le soir même, ce dernier cherche à traverser la Méditerranée, en barque. Pour Hubert : direction donc cet autre côté de la Méditerranée, si prisé ; là où « sont produits tous ces légumes bon marché qui arrivent dans nos assiettes de consommateurs gâtés. » Aïe. Ici pourtant, pas de « méchants exploitants », pas de « pauvres immigrés si malheureux ». Aurel expose des faits – éloquents – et si le sujet de cette BD est lourd – et fait réfléchir, merci ! -, son traitement n’est jamais « plombant ». À lire !

« Albums. Bande dessinée et immigration 1913-2013 »

« Albums. Bande dessinée et immigration 1913-2013 », c’est une exposition qui se tient jusqu’au 27 avril 2014 au Musée de l’histoire de l’immigration (heureux Parisiens, courez-y !), mais c’est aussi un ouvrage particulièrement riche et documenté. « Depuis les premiers ‘funnies’ américains du début du XXe siècle, dessinés, comme il se doit, par des migrants venus d’Europe, jusqu’au succès planétaire de ‘Persépolis’, œuvre d’une jeune migrante fuyant l’Iran, les rapports graphiques et narratifs entre la bande dessinée et le fait migratoire son légion. »

« Albums. Bande dessinée et immigration 1913-2013 » (Futuropolis – Musée de l’histoire de l’immigration).

Et ce sont bien ceux-ci que, chronologiquement, le catalogue de l’exposition offre à voir. Souvenez-vous, par exemple, que Superman lui-même est un exilé de la planète Krypton. Fils d’immigrés juifs, Will Eisner a raconté dans ses romans graphiques comment New York s’est construite à partir de vagues migratoires successives, Enki Bilal a fui les Balkans avec sa mère, Marguerite Abouet, à qui l’on doit « Aya de Yopougon », est née à Abidjan, en Côte d’Ivoire… Très instructif. Passionnant !