Je suis trop gentil(le) mais je me soigne

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Publié le 15/03/2018 par TRD_import_MariaPoblete ,
Vous êtes toujours prêt(e) à rendre un service, à prêter vos cours, à accompagner un ami et à l’écouter pendant des heures, alors que l’inverse n’a jamais lieu ? Voici quelques conseils pour ne plus être la "bonne poire".

« Quand j’étais plus jeune, vers 15-16 ans, je ne faisais jamais ce dont j’avais envie. J’étais dans le don aux autres, dans la seule écoute des autres. À force, je ne savais même plus ce que je voulais. Je n’arrivais pas à formuler mes désirs, ce que je voulais être ou faire. Je me sentais coupable. Je ne supportais pas l’idée qu’on puisse m’en vouloir, j’étais persuadée que la moindre réponse négative décevrait les copains. Ces excès de gentillesse m’ont poursuivie jusque dans mes relations amoureuses : je suis restée longtemps avec quelqu’un, juste pour lui ! Ne plus savoir imposer son avis, cela brouille son identité « , analyse Margaux, désormais âgée de 22 ans.

Confirmation de Marie-Estelle Dupont*, psychologue clinicienne :  » Être trop gentil(le), c’est la conséquence d’un manque de confiance et d’estime de soi. Ne pas pouvoir s’opposer et s’imposer revient à une peur profonde et ancienne de ne pas être aimé(e). Cela vient probablement de l’enfance, où on avait l’impression d’être rejeté(e) en bloc lorsqu’on avait commis une bêtise. Or il est indispensable de différencier ‘être’ et ‘faire’. »

Enfant, vous étiez comment ?

Il n’est pas question ici de vous allonger sur un divan, mais plutôt de vous poser quelques questions. Y avait-il (ou y a-t-il encore) un parent, un frère, une sœur, qui réagissait mal lorsque vous disiez « non » ? Avez-vous eu l’impression de perdre l’intérêt de ce parent, de ce frère ou sœur, à ce moment-là ? Étiez-vous exclu(e) des jeux quand vous étiez petit(e) ? Êtes-vous le plus jeune de la fratrie ? Y avait-il une personne malade ou handicapée ?

Suzanne, 21 ans, est fille unique et vivait seule avec sa mère dépressive. « Mon père nous a abandonnées quand j’avais 7 ans. En réaction, j’ai été une enfant modèle, jamais un mot plus haut que l’autre, bonne élève. Je n’ai jamais osé rien demander, aucune sortie, rien de ce que réclament les autres jeunes filles. Je ne voulais pas faire de vagues ni poser de problèmes. Je protégeais ma mère en étant comme je pensais que je devais être. Résultat : je me suis construite dans ce moule et, aujourd’hui, je me débats contre ma tendance à être la petite fille sage et gentille qui dit « oui » à tout le monde. »

De quoi avez-vous peur ?

Oui, de quoi ? Faites un essai. Prenez une situation lambda, une demande, pas trop engageante la première fois que vous ferez cet exercice, et demandez-vous ce que vous risquez. Le monde s’écroule-t-il ? Comment vous sentez-vous ? Bien !

Méthode approuvée par Charlotte, 18 ans : « À la rentrée, mes copines de terminale continuaient à me demander de les accompagner, de les écouter et de les conseiller. Elles ne me posaient aucune question sur ma vie en prépa, mes problèmes. Un jour, j’ai refusé d’aller les voir parce que j’avais trop de devoirs. J’ai commencé à me justifier pour ne pas passer pour une fille méchante, puis j’ai osé répondre que je n’étais pas la bonne poire qui rend service et que personne n’écoute ! Je me suis sentie bien, légère, heureuse d’avoir dit ce que j’avais sur le cœur. Et, franchement, le monde ne s’est pas écroulé. Maintenant, je choisis mieux mes amis. Je dis ce que je désire et surtout je cherche des relations équilibrées, pas à sens unique ! »

Et si c’était la crainte de s’affirmer ?

Rémi, 22 ans, pousse un cri du cœur :  » Je ne veux plus vivre pour les autres. Au collège, j’avais un "soi-disant" meilleur ami qui se moquait de ce que je pouvais ressentir. Il ne parlait que de lui, et cela ne me dérangeait pas, mais il n’y avait jamais de réciprocité. Quand il voulait que je sorte, je sortais ; quand il voulait que j’envoie des messages, je le faisais… Je n’étais pas malheureux, car d’une certaine façon, cela me rendait important à ses yeux. J’étais son confident, son bras droit. Même si je n’avais pas de personnalité propre, je me sentais important. Au lycée, tout s’est arrêté : je ne l’ai plus jamais revu. J’ai commencé à avoir des copains « normaux » qui m’écoutaient. Si j’avais pu avoir le recul nécessaire, j’aurais coupé les ponts plus tôt, mais à l’époque, j’étais dans une bulle. Son conseil si vous vous retrouver dans cette situation : « si cette personne ne vous a jamais fait parler de vous, c’est qu’il ne tient pas à vous, lâchez-le ! »

Et vous, de quoi avez-vous besoin ?

Grâce à ses lectures de spécialistes sur l’attachement et au prix d’un travail sur elle-même, Lise, 21 ans, est sortie de cette bulle « où elle ne se reconnaissait plus ». « Pour ça, on doit comprendre de quoi on a envie et besoin. Il faut s’écouter, se demander pourquoi on ne se sent pas bien, essayer de se considérer au même niveau que les autres et surtout s’accorder des moments de plaisir personnels « , conseille-t-elle.

Les mots de Lise traduisent également le besoin de s’apprécier. « La peur d’être rejeté est associée à l’image que le jeune a de lui. Il a besoin de plaire et d’être aimé coûte que coûte. Il s’imagine qu’en acceptant tout, les autres l’aimeront et lui renverront une image positive « , explique Laura Gélin, psychanalyste. Avez-vous besoin de démontrer que vous êtes quelqu’un de bien, à l’écoute, disponible, malléable même ? « Quand on s’aime assez, on connaît sa valeur et il n’est pas utile de rechercher l’approbation », poursuit la psychanalyste.

Sachez patienter

Après des années d’hésitation, Loïna, 22 ans, a tranché : « Être gentille et conciliante, oui. Mais l’être trop, ce n’est pas possible. Pour respecter les autres, il faut se respecter soi-même, se confronter aux autres, apprendre à être écouté(e). Après des années de collège et de lycée à être dans l’ombre des « grandes gueules », j’ai pu m’imposer. Finalement, je considère aujourd’hui la gentillesse comme une belle qualité, quand celle-ci est raisonnable et qu’elle n’empiète pas sur notre bonheur personnel. »

Ce résultat ne s’obtiendra pas en une semaine, vous devrez être bienveillant avec vous-même et surtout confiant. « Vous n’avez pas appris à marcher en une journée ! Il faut du temps pour devenir vous-même, pour trouver votre style vestimentaire, affirmer vos goûts et vos valeurs, rassure Marie-Estelle Dupont. Et même si vous reculez de deux pas, ne craignez rien, nous faisons tous de fausses notes ! »

*auteure de « Se libérer de son moi toxique », éditions Larousse.