« Je ne peux pas m’empêcher d’être envieux(se) »

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Publié le 07/11/2016 par TRD_import_MariaPoblete ,
Vous en êtes malade, ça vous ronge ! Vous regardez avec envie les photos de vacances de votre ami(e) et vous pensez que vous n’avez vraiment pas de chance. Même ses parents sont trop cool. Et si vous cherchiez à comprendre cette jalousie…

Une petite défaillance narcissique

« J’appelle ça ma rage intérieure. J’essaie de la domestiquer. Elle se calme avec le temps mais j’en ai souffert. Je trouvais que toutes mes copines avaient tout ce qu’elles voulaient : trop de chance avec les garçons, des meilleures notes que moi alors qu’elles travaillaient moins, des parents sympas alors que je vivais cloîtrée ! »

À 18 ans, Stella, étudiante en L1 en anthropologie à l’université Lumière à Lyon (69), souhaite changer mais c’est compliqué. Elle s’interroge sur ses « envies de meurtre » : « Cela me rend dingue ! J’ai toujours été jalouse et je n’ai jamais pu me réjouir de la réussite de quelqu’un – même d’un de mes amis ! Je me demande « pourquoi elle et pas moi ? » et « pourquoi je n’ai pas de chance ? » » Elle reconnaît sa difficulté à entreprendre un chantier intérieur, une thérapie, une remise en question. Trop fière, elle pense que cela passera en grandissant et en prenant de l’assurance.

« Ce sentiment – très fort – d’être moins gâté et d’être rongé par la jalousie vient probablement de l’enfance et d’ une impression de ne pas avoir été assez aimé , porté et encouragé par l’entourage, ­suggère le psychanalyste Joël Clerget. Il y a peut-être une petite défaillance narcissique qui entraîne une incapacité à se remettre en question. »

Ce n’est pas catastrophique. Il faudra juste faire avec ce fonctionnement un peu égocentrique , en attendant non pas de régler vos comptes avec vos parents, mais en acceptant de vivre avec ce manque et en étant conscient de ce que vous avez. Oui, l’herbe est bien verte chez soi aussi. Pour la voir, un effort est nécessaire.

Essayez d’être un peu moins parano

Manon, 15 ans et demi, en seconde au lycée Édouard-Herriot à Lyon (69), pense savoir d’où vient son « énervement »… « Je crois toujours que les autres font des tas de choses sans moi, qu’ils ne m’invitent pas aux fêtes, dans les bars, qu’ils oublient, comme par hasard, de me prévenir qu’il y a une séance de révisions chez une copine. Je me sens rejetée. J’ai l’impression d’être celle qui ne sert à rien, la grosse moche quoi !« 

Manon s’emporte, les yeux embués par la colère. Elle poursuit : « En fait, je pense qu’à force de faire la tête et de croire que les autres ne m’aiment pas, j’en deviens jalouse. » Sa meilleure amie, Lila, 16 ans, élève dans la même classe, poursuit : « Elle se fâche avec tout le monde parce que les copains en ont marre de lui courir derrière pour lui répéter qu’elle se raconte des histoires. Ce que je lui conseille ? De nous faire confiance, juste en se persuadant qu’on ne cherche pas à la rejeter, qu’on ne fait pas des trucs géniaux sans elle et que personne n’est contre elle ! »

 » La recherche d’absolu est forte à cet âge , parce que les repères de l’enfance se perdent et le temps d’en retrouver d’autres, on se sent légèrement incompris, explique Béatrice Copper-Royer, ­psychologue clinicienne. Toutes les attentes prennent des proportions énormes. »

Alors ouvrez grand vos mirettes ! Regardez ce que vous avez. Ce n’est pas rien.

« Moi, je suis toujours contente de ce que j’ai, raconte Juliette, 18 ans, en terminale S au lycée Hélène-Boucher à Paris. Même si j’ai moins d’argent que mes amis et que je suis obligée de faire un baby-sitting par semaine pour financer mes sorties, je me trouve chanceuse ! »

Êtes-vous trop gâté(e) ?

À 20 ans, Céleste, en L2 lettres modernes à l’université Sorbonne Nouvelle, s’interroge sur cette jalousie qui lui gâche l’existence. Elle essaie de la contrôler mais c’est encore compliqué.

Elle a une piste, liée à la situation familiale. « Mes parents se sont séparés peu après mon premier anniversaire. Je sais que mon père a énormément culpabilisé puisque c’est lui qui est parti, raconte-t-elle. Les quinze années suivantes, j’ai eu à peu près tout ce que je voulais : des vacances géniales ; je me suis baignée en mer de Chine ; j’ai passé mes vacances d’hiver aux Antilles ; je pratique l’équitation ; j’ai demandé un cheval, j’ai eu un cheval ; j’ai passé mon permis de conduire, j’ai eu une voiture… » L’énumération n’en finit pas. Céleste reste pourtant envieuse de ce que les autres possèdent.

« C’est matériel, mais je me doute bien que cela va au-delà. Je ne peux pas m’empêcher de regarder ailleurs, à côté, la selle de ma voisine de box au centre équestre, plus belle… » Promis, elle va chercher à comprendre.  » En me posant la question, je commence à voir une réponse : je suis peut-être trop gâtée ! « , dit-elle. Comme Lucie, 16 ans, en seconde au lycée Sophie-Germain à Paris. Elle prend sur elle. « Je me sens injustement traitée parce que j’ai moins de choses que mes copines, mais je me dis que c’est la vie. »

Assumez votre famille !

« Mes parents font ce qu’ils peuvent, ils ont peu de moyens, dit Lucie. Je n’arrête pas de me dire que des filles ont beaucoup moins de liberté que moi. Ma famille est assez cool, compréhensive. Je n’ai pas de gros problèmes de relations et j’ai juré de cesser de me plaindre. Cela ne sert à rien ! Je le conseille aux jeunes qui croient toujours en avoir moins que les autres , se dire qu’on est en bonne santé, que la violence ne nous touche pas et que, dans quelques années, on sera indépendants. »