Insolite : reporters en terres méconnues

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Publié le 25/06/2014 par TRD_import_SoniaDéchamps ,
Il est parfois difficile d'approcher la r ealite de certaines regions. Si eloignees, si fermees. Ce que les cameras ne peuvent filmer, ce qui ne peut etre enregistre, la BD peut le mettre en scene, le raconter. Ainsi, deux BD nous immergent, aux cotes de deux journalistes, dans deux pays parmi les plus impenetrables : l'Afghanistan et la Coree du Nord. Une ouverture sur des vies ignorees.

« La faute », de Michaël Sztanke et Alexis Chabert (Delcourt)

2011, Corée du Nord. Kim Jong-il meurt. Kim Jong-un devient officiellement président. Comment vit-on dans ce pays ? Compliqué à dire, à voir. La Corée du Nord – dirigée de façon totalitaire – est l’un des pays les plus fermés au monde. Michaël Sztanke aura attendu deux ans avant d’obtenir le visa nécessaire pour se rendre dans le pays, afin d’y réaliser un documentaire télé. « La faute », c’est ici celle d’un guide touristique de 45 ans : Cho-il a omis d’arborer sur son veston le badge – officiel – des leaders du pays, le jour des funérailles de Kim Jong-il.

Un détail ? Non, un manquement inexcusable. Et les autorités ne rigolent pas avec les « familles déviantes » ; le « traître », ni avec ses proches. La culpabilité par association est en effet de mise dans le pays : une famille peut être victime du régime sur trois générations, si l’un de ses membres est reconnu coupable d’opposition ou de faute grave.

Pour effacer sa faute, Cho-il se doit d’être irréprochable et doit devenir un guide exemplaire. La pression exercée sur lui par ses supérieurs est énorme : chaque soir, il est demandé aux différents agents touristiques un compte rendu détaillé des demandes et agissements de leurs clients. Cho-il, accusé d’être beaucoup trop laxiste, accompagne dans cet album deux journalistes français, dont Michaël Sztanke.

La réalité rejoint la fiction. Si la faute de son guide est bien fictive, les dialogues, informations et situations mis en scènes dans cet album sont eux bien réels. « Jamais un pays ne m’a fait un tel effet », indique l’auteur, confiant par ailleurs son impression d’avoir visité un « pays dirigé comme une secte dont les gourous, qu’ils soient vivants ou morts, sont des demi-dieux ». Cet album témoigne ainsi bien du contrôle total exercé par les dirigeants sur le visiteur, comme sur la population. Glaçant.

« Les larmes du seigneur afghan », de Pascale Bourgaux, Zabus et Thomas Campi (Dupuis)

Dix ans que Pascale Bourgaux se rend en Afghanistan. En mars 2010, elle y retourne pour voir Mamour Hasann, un seigneur de guerre ouzbek du nord du pays, qui a toujours résisté aux envahisseurs ; en 2001, après les attentats du 11 septembre, il est l’un de ceux à avoir, avec l’aide américaine, chassé les Taliban.

Sur place, la reporter observe, discute… Et ce qu’elle constate a de quoi la troubler : même dans ce bastion de la résistance anti-talibane, beaucoup de jeunes – y compris le fils du chef de la tribu – sont sur le point de basculer dans le camp taliban. Les propos se radicalisent, la présence occidentale se trouve rejetée. Puissant documentaire sur la réalité – ô combien complexe ! – d’un petit village afghan. Ainsi qu’ un témoignage sur le métier de grand reporter. Très fort.