Face à la violence des attentats : on fait quoi ?

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Publié le 18/11/2015 par TRD_import_ProposrecueillisparDanièleLicata ,
Inquietude, anxiete, angoisse… comment affronter le choc des attentats franciliens quand on doit reprendre le chemin des cours et reprendre son "petit quotidien ? Entretien avec Philippe Rodet, medecin urgentiste et specialiste du stress.

Les images qui tournent en boucle depuis vendredi sur les chaînes d’information, sur Internet et sur les réseaux sociaux, montrent des scènes de violence qui plongent les jeunes dans une tristesse profonde et génèrent beaucoup de stress. Quels conseils leur donneriez-vous pour les aider à surmonter cette période difficile ?

Il y a plus de 20 ans, un 24 décembre exactement, vers 14 h, alors que j’étais un jeune interne au Samu, j’interviens sur un accident de la route. Lorsque l’équipe part, je trouve que les éclats lumineux du gyrophare qui viennent se mêler aux scintillements des guirlandes sont magiques. En arrivant sur place, un enfant de 15 ans git sur le sol, victime d’un traumatisme crânien. On ne pourra pas le ranimer. Au retour, les lumières de Noël me semblent tristes et ne parviennent pas à diminuer ma peine. Ce soir-là, j’ai annulé un dîner, trop triste pour faire la fête et je me suis mis à travailler sur la mission que j’allais réaliser quelques semaines plus tard dans un cadre humanitaire à Sarajevo, ville en guerre à l’époque. Quelques heures plus tard, j’allais mieux. C’est à ce moment-là que j’ai compris que l’altruisme et la fraternité aident à supporter l’horreur.

Si cette histoire me revient à l’esprit aujourd’hui, c’est parce que je me suis fait la même remarque samedi 14 novembre en circulant dans les rues de Paris. À de nombreux endroits, les guirlandes de Noël étaient déjà installées mais une fois encore, elles étaient engluées dans le malheur. Alors, je suis allé à la rencontre de jeunes pris pour cibles la veille au soir. Ensemble nous avons échangé des heures durant. Ils se sentaient moins oppressés et moi j’allais mieux.

Face à l’horreur des attentats, il faut tendre les bras, renforcer l’altruisme et la fraternité , pour retrouver un peu de paix intérieure, et surtout ne pas se terrer dans le mutisme. C’est le moment de renouer le dialogue avec ses parents, d’oublier les vieilles rancœurs et de se dire qu’ensemble on est plus fort. S’entraider c’est se protéger du stress parce qu’on donne sens à sa vie. J’ai confiance, les jeunes générations sont engagées.

Philippe Rodet, médecin urgentiste. // © Photo fournie par le témoin

À la question « comment vas-tu », on a parfois tendance à répondre machinalement « ça va ». Comment repérer un camarade qui va mal ?

Ce traumatisme peut avoir des répercussions sur le sommeil, l’appétit, la vie quotidienne. Il peut aussi entraîner un état d’inquiétude, d’anxiété voire d’angoisse. Souvent, les comportements à risque se multiplient. Ceux qui fument et boivent augmentent, dans de telles circonstances, leur consommation de cigarettes ou d’alcool. Certains mangent plus que d’habitude, ce qui exprime un besoin de réconfort, alors que d’autres, la gorge trop nouée, ont tendance à manger moins. Soyez vigilant. Ne laissez personne s’isoler. Dans les jours qui ont suivi les attentats de « Charlie Hebdo », la consommation d’anxiolytiques a augmenté de plus de 18 %. Je déconseille aux jeunes de recourir massivement à ce genre de traitement. Seule la parole libère et apporte du réconfort : décrire ce que l’on ressent, mettre des mots sur sa douleur. Ne pas avoir peur d’exprimer ce que l’on ressent, être triste, pleurer dans de telles circonstances est naturel. Pour ceux qui éprouvent des difficultés à exprimer ce qu’ils ressentent, à vivre avec ou si les troubles s’amplifient, il est recommandé de consulter un médecin.

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Certains jeunes, encouragés par leurs parents, n’osent plus sortir. Quels sont vos conseils ?

Encore une fois, l’isolement n’est pas la solution. On sait que les relations humaines, les liens sociaux sont protecteurs du stress. On admet aussi que l’affection est très protectrice. Si un jeune a un(e) meilleur(e) ami(e), il est indispensable qu’ils se rencontrent, qu’ils échangent, cela sera une aide précieuse.

Je crois aussi que le rôle des parents est d’écouter et de rassurer. Souvent, ces derniers sont inquiets et vont transmettre cette inquiétude, on sait que les émotions négatives se transmettent en 30 millisecondes. Au contraire, il est indispensable de rassurer et d’exprimer des émotions positives, plus puissantes que les émotions négatives. Il peut s’agir de célébrer un bon résultat, de parler d’activités futures agréables, de s’efforcer le soir de penser à des actions positives de la journée, d’inciter à l’entraide. La solidarité est un moyen de développer le sens de la vie, source d’émotion positive extrêmement puissante pour diminuer les effets du stress.