Deux BD pour mettre le cap sur l’Amérique latine

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Publié le 15/11/2013 par TRD_import_LilyJoseph , Mis à jour le 30/03/2022 par TRD_import_LilyJoseph
À quoi ça ressemble la vie en Colombie et au Perou ? Élements de reponses dans nos deux BD chroniquees de la semaine, qui nous transportent de l'autre cote de l'Atlantique pour des rencontres bien inspirees… Laissez-vous emporter !
Deux BD pour mettre le cap sur l’Amérique latine
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« Le Goût de la terre » : la Colombie au temps des Farc

« Le Goût de la terre », de Baudoin et Troubs (L’Association).

« Le Goût de la terre » est un album réalisé à quatre mains ; et si les styles de Baudoin et de Troubs sont naturellement différents, ils se mêlent ici harmonieusement. Si bien que leur association apparaît évidente. Au cœur de l’ouvrage : des rencontres faites en Colombie par les deux auteurs. Leur « modus operandi » : échanger un portrait contre un souvenir. Le résultat : un album… « humain ».

« Le Goût de la terre » tire sa force des confidences recueillies, mais également de ce qui est tu. Installés sur une place publique, entourés de Colombiens réclamant leur portrait, Troubs observe ainsi comment « leurs souvenirs sont pauvres et loin de ce que leurs yeux expriment ». La force des auteurs est bien de réussir à partager ces regards chargés d’émotions ; faire découvrir ce qui ne leur a pourtant pas été dit. Si certains Colombiens rencontrés, Inelda ou Gilberto par exemple, évoquent la naissance d’un enfant comme souvenir marquant, c’est bien la violence, la souffrance et la mort qui reviennent le plus régulièrement dans les paroles échangées. « Il y a 7 ans, les FARC assassinèrent mon époux et enlevèrent mon fils de 13 ans. Ils le séquestrèrent 40 jours. » « Mon souvenir le plus grand, c’est la perte de mes parents. » « Le jour où on m’a retiré mon fils. » « Je me souviens du premier massacre que j’ai vu, j’avais quatre ans. » Éprouvant.

Puis arrive une rencontre avec « quelqu’un des FARC, un responsable des guérilleros ». Un rendez-vous fixé à 10 heures. Une journée d’attente. Rien. Une journée entière observés, de loin, par les FARC, apprendra-t-on aux auteurs. Et finalement, enfin, le jour suivant, rencontre avec Chatica, une « commandante ». « Cette fille est une sirène d’Amazonie » écrit Troubs, constatant à l’issue de la journée qu’il va « passer le restant de [ses] jours à [se] demander pourquoi [il ne l’a] pas suivie ». Une sirène… munie d’une kalachnikov. Cette arme, la jeune femme la voit comme « un dernier recours », « un objet comme un autre ». « Tu veux la prendre ? » propose-t-elle d’ailleurs à ses différents interlocuteurs. La guérilla, « ce sont les détours de la vie qui m’on fait prendre ce chemin, explique-t-elle. J’aurais préféré vivre en paix. Mais quand une femme est pauvre, elle n’existe pas en Colombie. Je voulais être une femme libre. Ne pas être l’esclave d’un homme toute ma vie, me sacrifier pour mes enfants, vivre dans une cuisine. Les FARC sont ma famille. »

Tout au long de ces rencontres, le lecteur est aux côtés des auteurs. Le troisième homme. Un carnet de voyage humainement très riche. Bouleversant.

(Cliquer sur les images pour les agrandir)

« Carnet du Pérou » : pour se perdre joyeusement

« Carnet du Pérou », de Fabcaro (Six pieds sous terre)

« Ça part pas un peu en couille ton carnet du Pérou là ? » interroge un personnage dans l’une des toutes dernières planches de l’album. Assurément, dans « Carnet du Pérou », Fabcaro se perd un peu ; mais joyeusement ! Mêlant carnet de voyage – mais est-il bien réel ? – et scénettes pleines d’autodérision le mettant en scène luttant pour mener à bien ce projet de carnet, l’auteur livre ici un album pour le moins atypique ; « drôlement » déroutant. À découvrir. Comme le sont généralement – même s’il faut toujours se méfier des généralités ! –les publications de ce discret éditeur.

Enfin, léger pas de côté pour vous conseiller – l’occasion est trop belle – deux autres ouvrages de Baudoin ; poétiques, intimes, sensibles : « Les enfants de Sitting Bull » (Gallimard) et le très beau – Noël approche ! – « Trois pas vers la couleur » (Dupuis).