Dans le portefeuille de Sabri, en école de commerce entre Lille et Paris

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Publié le 24/09/2014 par TRD_import_SoniaDéchamps ,
Chaque semaine, un etudiant fait ses comptes avec Trendy. Bourse, petit boulot, pret etudiant, aide des parents… quelles sont ses ressources pour quels besoins ? Bienvenue au tour de France des portefeuilles estudiantins. Deuxieme etape chez Sabri, en ecole de commerce a Paris.

Sabri (1) a 22 ans. L’année dernière, il a intégré – sur concours – l’EDHEC. Derrière lui, déjà deux années de fac à Lille, une année en Erasmus à Istanbul et un master en économie à la Sorbonne, à Paris. Après une année à l’école à Lille, le voici de retour à Paris, pour une année de stage.

Côté revenus : environ 1.000 € par mois

« Je suis boursier échelon 6 depuis 2009, explique Sabri. J’ai une bourse de 470 € par mois.  » En plus de celle-ci, l’étudiant peut compter sur des indemnités de stage : 560 €. « Ce qui me fait un revenu disponible d’environ 1.000 €. » Avec son emploi du temps, impossible d’imaginer prendre un petit boulot. « Et mes parents ne peuvent malheureusement pas tellement m’aider, financièrement en tout cas. »

Le bon plan : peu de frais de logement

Sabri habite en résidence étudiante, dans le XIXe arrondissement. « Un truc très sympa, précise-t-il. Je touche 260 € d’APL (aide personnalisée au logement) par mois, mais je ne les considère pas tellement comme un revenu. C’est la résidence qui ‘capte’ l’argent. Je n’en vois pas la couleur. Mon loyer s’élève à 540 €, ce qui fait que je paie, au final, 280 € par mois. J’ai énormément de chance. » Et cela d’autant plus que son studio est bien situé : « J’habite au canal de l’Ourcq. D’habitude, les résidences se trouvent toujours en périphérie ou dans des coins assez glauques. Là, c’est vraiment super. »

Pour 280 €, Sahbi loge dans un studio de 20 m2. « Ce n’est pas si petit que ça ! tient-il à faire remarquer. J’ai une pièce principale, dans laquelle je dors et où il y a mon bureau et quelques affaires. Et puis j’ai une cuisine et une salle de bain séparées. C’est semi-meublé. »

Côté nourriture : un budget maîtrisé

 » Le midi, au boulot, j’essaie de manger pour 3,50 €, en moyenne. En général, je vais au supermarché. Ou bien j’essaie de me préparer quelque chose. » Les courses, Sabri en a pour environ 40 € par semaine. Opération zéro gâchis : « Je fais gaffe. Je réfléchis en termes de repas. Je n’achète pas plus que ce que je vais consommer dans la semaine. Ce qu’il y a sur mon étagère, je sais que lundi, ça ne sera plus là. »

Et s’il fait attention aux prix, il reste vigilant quant à la qualité de ce qu’il achète : « Je ne prends pas le moins cher, mais la marque distributeur. Je fais parfois le marché le dimanche, mais je n’achète que deux tomates, parce que je sais que je ne vais pas en manger plus dans la semaine. Je peux aussi acheter des bananes et des pommes, mais juste ce qu’il faut pour avoir un fruit par jour. C’est comme ça que je marche. » Plus coûteux : les sorties et autres apéros. « En gros, la semaine, que je travaille ou pas, je sors une ou deux fois, mercredi et jeudi par exemple. Mes dépenses doivent tourner autour de 12 €. Le week-end, je dirais environ 40 €. « 

Total côté nourriture et sorties : en moyenne, environ 440 € par mois. « On peut aussi rajouter 25 €, fait remarquer Sabri. La semaine dernière, je suis parti voir un match de foot. C’est le genre de chose que je fais une fois par mois. »

Très économe côté loisirs et habillement

Côté loisirs, Sabri est à l’affût des bons plans : « J’essaie de faire des trucs gratuits. Je suis un immense fan de cinéma, mais là, je n’y vais que très rarement, peut-être une ou deux fois par mois. Grand maximum. Mon frère me donne parfois des places. J’ai un copain qui travaille dans une salle et qui peut parfois me faire entrer aux avant-premières… Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, je télécharge beaucoup. J’ai remplacé les sorties ciné par du téléchargement. »

Les livres ? Sabri les récupère auprès de son frère. Pareil pour la presse. « On est une famille assez soudée, on a toujours réussi à s’arranger pour limiter les dépenses. Sans pression non plus. Je ne suis pas dans la recherche d’économies à tout prix, mais je suis en alerte. » Et cela vaut aussi pour les habits : « Je ne dépense pas énormément, mais j’arrive à m’en sortir, je fais les soldes ou je récupère des fringues de mon frère. »

D’autres frais annexes ?

« J’ai un abonnement Vélib’ qui m’a coûté 15 € l’année », indique spontanément Sabri. Rouler n’empêche pourtant pas l’étudiant de prendre les transports en commun, nettement plus chers : « Mon pass Navigo me coûte environ 33 € par mois, puisqu’il est remboursé à 50%. » Transports toujours, Sabri dépense environ 40 € par mois pour rentrer voir ses parents à Lille. « Je fais le trajet en covoiturage, précise-t-il. Lille est très bien desservie à ce niveau-là. Je vais sur Blablacar ou bien sur Facebook. Un groupe a été créé sur lequel se retrouvent les étudiants de mon école qui font du covoiturage. Sinon, je prends les ID Bus, les bus de la SNCF. »

Autres frais récurrents : « ma lessive : 3,50 € par semaine » et le téléphone, 20 € par mois. « En revanche, je n’ai pas Internet chez moi, je suis en Free Wifi. » Rien d’autre ? « Je suis sûr qu’il y a des dépenses auxquelles je n’ai pas pensé. Je suis un peu tête en l’air », confie Sabri.

Là où ça fait mal : les frais pour l’école…

Issu d’une famille très modeste, Sabri, septième d’une fratrie de neuf, a dû contracter un prêt pour intégrer l’EDHEC. Comment payer 900 € par mois de frais de scolarité autrement ? « J’ai galéré pour avoir mon prêt, témoigne Sabri. Je n’avais pas de garant. Ma mère est femme au foyer et mon père retraité. Ça ne passait pas. J’ai dû passer par mon frère, ce qui a compliqué la tâche. Il faut toujours tout justifier. Même psychologiquement, c’est difficile. Comme à la fac il n’y a aucune démarche à effectuer, j’ai toujours connu la facilité. Là, tout de suite, c’était un peu une montagne. Mais je ne suis pas mort ! »

Pas mort, mais quelque peu remonté… « À l’EDHEC, rien (ou presque) n’est fait pour les boursiers, même pour des petites choses comme [le TOEFL Test of English as a Foreign Language, NDLR]. Je dois le passer pour le mois de décembre, mais cela coûte 250 €. Je ne les ai pas. Plein d’écoles ont mis en place des dispositifs concrets pour les boursiers, mais eux ne font absolument rien. Je paie la même chose que tout le monde, et ça me fait mal. » Concrètement, Sabri a emprunté 30.000 €. « Je vais commencer ma vie avec de l’argent à devoir à quelqu’un alors que je n’aurai encore rien fait. C’est une immense angoisse. »

Bilan : pas de regrets

Malgré tout, Sabri reste résolument positif : « Je ne vais pas me plaindre, il y en a qui galèrent bien plus que moi. Franchement, je vis plutôt bien. Quand j’étais petit, c’était bien plus galère. J’ai beaucoup de chance. » Bien sûr il fait attention : « Je vois bien que par rapport à mes camarades de l’EDHEC, ce n’est pas le même niveau de vie. Si un week-end, il y a une dépense imprévue qui s’ajoute, je dois quand même faire mes petits calculs. Réfléchir. Il y a des week-ends où c’est non. Je ne peux pas sortir dès que cela commence à dépasser les 20 €, il faut que je fasse mes comptes, voir si c’est viable. Et c’est souvent… pas le cas. Mais dans la vie de tous les jours, je ne vais pas faire le malheureux. Ça va très bien. »

Même s’il est déjà endetté à 22 ans, à aucun moment il ne regrette son choix d’études : « C’est un concours compliqué, j’ai beaucoup travaillé, j’étais très content du résultat. Les questions financières sont venues après. J’ai pris les choses comme elles sont venues. »

Son mot de la fin…

« J’insiste. Quand on est étudiant, on connaît des petites galères. Mais c’est passager, et on compense par pas mal d’autres choses… Et surtout la liberté. »

(1) Le prénom a été changé.