Comment faire son coming-out quand on est ado ?

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Publié le 24/05/2017 par TRD_import_AudeLorriaux , Mis à jour le 28/09/2023 par TRD_import_AudeLorriaux
L'homophobie a beaucoup fait parler d'elle médiatiquement ces derniers temps. Quand on est ado et homo : vaut-il mieux en parler ou le garder pour soi ?

Presque tous les adolescents qui se sont confiés à l’Etudiant Trendy – merci à l’association SOS homophobie pour son appel à témoignages – affirment avoir connu une période de silence, de secret, difficile à supporter. Face à la peur de la réaction de leurs parents, de leurs camarades, beaucoup préfèrent ne rien dire… mais se retrouvent seuls, parfois si seuls qu’ils en souffrent énormément. Il est donc impératif d’identifier une personne de confiance – un ami, un prof, un membre de la famille – pour briser l’isolement.

En parler à une personne de confiance… quand on se sent prêt(e)

« Le lycée et le collège sont plein de comportements stéréotypés, ce n’est pas évident de s’accepter soi-même. Avant même d’en avoir parlé à qui que ce soit, on entend les insultes dévalorisantes qui renvoient à l’homosexualité. J’étais donc très mal à l’aise par rapport à ça. J’avais l’impression que c’était marqué sur mon front », se souvient Arthur, 17 ans, en terminale L dans un établissement catholique privé. Il était mal au point de faire une tentative de suicide. Mais aujourd’hui, tout va beaucoup mieux, confie-t-il, notamment grâce à son premier « coming-out » à un garçon, qui a été son premier « déclic » : « Il ne m’a pas jugé, il ne l’a pas mal pris. Je me suis alors dit que tous les gens n’étaient pas tous contre l’homosexualité. »

Les choses ont aussi commencé à s’arranger pour Jonathan, 18 ans, lorsqu’il en a parlé à sa meilleure amie. Il a commencé à avoir des doutes sur son orientation sexuelle en 5e, puis à avoir des attirances en 4e et 3e. Les rumeurs se sont mises à courir. Mal à l’aise, il se sentait obligé de nier. Il a même été battu au détour d’une ruelle par plusieurs garçons de terminale, qui lui ont volé son téléphone et l’ont roué de coups jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Mais la révélation à sa meilleure amie a tout changé. « Comme j’en avais parlé, je me sentais plus fort, j’avais plus d’assurance. Les gens l’ont vu », se souvient Jonathan. Mais il faut le dire quand on se sent prêt, quand on se sent fort », conseille-t-il.

Identifier des personnes qui sont passées par là, contacter des associations

Si on ne peut pas en parler à un ou une amie, ou que les conseils de cet(te) ami(e) vous laissent encore plein de questions en tête, une bonne chose est peut-être d’essayer d’identifier une autre personne homosexuelle, si vous en connaissez.  » C’est important d’avoir des gens qui sont comme nous. Je venais les voir par exemple pour savoir comment elles avaient fait pour faire comprendre leur attirance à la fille qu’elles aimaient. Ça m’a aidé », confie Nina, 20 ans, aujourd’hui étudiante en première année de sociologie.

À défaut, il existe de nombreuses associations vers lesquelles se tourner, pour obtenir conseils, écoute et soutien. Comme SOS homophobie, qui dispose notamment d’une ligne d’écoute et d’assistance anonyme (tél. 01.48.06.42.41) et d’un service de chat’écoute. L’association Contact est quant à elle présente au niveau local dans des dizaines de départements et offre elle aussi une ligne d’écoute (tél. 0.805.69.64.64). « Plus on en parle dans un cadre bienveillant et respectueux, plus les phénomènes de harcèlement se retirent », estime Salvatore D’Amore, spécialisé dans les thématiques LGBT et famille, et consultant au Centre Monceau.

Bien préparer les choses avant d’en parler à ses parents

Si vous sentez vos parents « ouverts » sur la question, il est bien sûr préférable de leur en parler. Il est toujours plus agréable de se sentir « authentique » en présence de ses proches. Mais dans le cas contraire, attention à ne pas « lâcher » par colère ou tristesse une révélation qui ne serait pas préparée, conseille le psychologue Salvatore D’Amore. C’est un atout de pouvoir échanger et parler de son identité. Mais il faut faire une lecture préalable du contexte. Il faut construire et accompagner le coming-out », recommande-t-il.

Jonathan ne regrette pas d’en avoir parlé à sa mère, qui aujourd’hui « en est presque fière », mais cela n’a pas été facile. « Elle m’a dit qu’elle n’était pas particulièrement heureuse que je sois gay, même si je restais son fils. Cela ne fait pas plaisir, mais ça aurait pu être pire, d’autres sont jetés à la porte de chez leurs parents », raconte-t-il.  » La famille a des attentes, elle peut réagir plus violemment que les amis, estime quant à lui Arthur. Et s’ils le prennent mal, comme on est dépendant d’eux, cela devient compliqué » (lire à ce propos notre article « Brouillé(e) avec les parents mais encore étudiant(e) : comment s’assumer« ) . Pour lui, donc, si vous ne le « sentez pas », mieux vaut attendre. « En réalité, ça peut attendre, on a tout le temps ».

Attention aux bavards

S’il est indispensable de parler pour briser le silence qui peut être pesant, il faut néanmoins aussi faire attention à dévoiler les choses progressivement et bien choisir les gens à qui l’on parle. « Il faut faire les choses petit à petit, en commençant par l’entourage proche. Parfois je vois des gens qui mettent ça sur Facebook et je me dis que ce n’est pas prudent. J’y suis allé progressivement et je n’ai perdu aucun ami, aucun proche », confie Nina. « Je conseille d’en parler, mais quand on est fragiles, il faut faire attention à qui on en parle. Aujourd’hui, si une personne réagit mal, je me dis c’est un ‘con’, à l’époque je le prenais pour moi », abonde Arthur.

La mésaventure arrivée à Julie, 16 ans, en 1re L, devrait en faire réfléchir plus d’un. Julie avait révélé à une de ses amies son penchant pour les filles. Les deux s’amusaient à imaginer la lettre qu’elles écriraient à leur amoureux et amoureuse respectives. Mais cette amie, pensant rendre service à Julie, a posté cette lettre surune page « Spotted » Facebook. *La nouvelle s’est vite répandue dans tout le collège que Julie était lesbienne et cette réputation ne l’a plus lâchée, y compris au lycée. *Elle est ainsi devenue la « lesbienne de service », voyant régulièrement arriver vers elle des élèves qui ne venaient lui parler que pour lui poser des questions sur le sujet. « Ils m’appelaient ‘la lesbienne’. Dès qu’on parlait d’homosexualité, mon nom était cité dans toutes les classes du lycée », explique Julie, qui estime être « devenue une grande gueule » à cause de ça.

Assumer et « se débarrasser du poids de la peur »

En parler à des amis, contacter des associations, chercher des parades aux insultes : toutes choses utiles mais qui ne sont possibles, au fond, qu’à partir du moment où l’on s’accepte soi-même et où l’on se débarrasse de cette « homophobie intériorisée ». « Si on a l’air bien avec son homosexualité, les gens le prennent bien. Au contraire, les gens hostiles s’engrouffrent dans la brèche dès lors qu’ils voient que nous avons peur. Et puis l’homosexualité, c’est normal, donc il faut avoir l’air normal, et se débarrasser du poids de la peur ! » s’exclame Arthur. Même son de cloche pour Julie, selon laquelle les harceleurs ont commencé à se calmer le jour où elle a cessé d’hésiter dans ses réponses. « Le dernier jour de 3e, un garçon est venu me voir pour me demander si j’étais lesbienne. Je lui ai dit oui sans hésiter et ça l’a cloué sur place », se souvient-elle.

Pour le psychologue Salvatore D’Amore, « être fier est à la base d’un coming-out réussi ». Le premier travail commence donc « par soi-même », estime Jean-Michel Pugnière, docteur en psychologie et coordinateur de l’association Contact.  » Les personnes qui auront une meilleure estime de soi vont être beaucoup moins vulnérables par rapport aux moqueries. Au lieu de se justifier quand quelqu’un fera une réflexion, ils vont amener l’autre personne à se justifier de son homophobie », ajoute le psychologue.

Difficile, évidemment, de se forcer à avoir « confiance en soi ». Mais on peut, selon Jean-Michel Pugnière, chercher autour de soi des exemples positifs d’homosexuels. Comme celui de Jonathan, qui après avoir quitté l’école en 1re, est devenu en quelques mois seulement un infographiste épanoui, qui a fait son coming-out dans son entreprise : « Plus je tombais, plus je me suis relevé. Au final, je m’en sors super-bien. Alors j’ai envie de dire : vous aussi, si vous tombez, il faut se relever ! »

Et si l’on est insulté(e) ?

Que faire lorsqu’on est insulté ? Faut-il répondre ? Se taire ? Se fâcher et dire « stop » ? Les lycéens interrogés par Trendy ont tous une parade contre les insultes… qui leur est personnelle. Il n’y a pas de recette universelle et elle dépend largement de la personnalité que vous avez.

Jonathan choisissait ainsi de répondre par l’humour aux insultes, « sans toutefois rentrer dans leur jeu ». Arthur conseille quant à lui de ne pas répondre aux insultes les plus stupides. « Sur ma table de cours, une amie avait dessiné un petit cœur, avec mon nom. Un jour, je suis arrivé en cours, et il y avait écrit « PD » à côté. Je ne réagis pas à ce genre de choses. Je réagissais quand quelqu’un avait son avis à donner sur l’homosexualité et était convaincu que c’était « mal », mais pour ce genre d’insultes, ce n’est pas la peine. Je préfère rester calme. Et ne pas perdre d’énergie pour cela. Je n’ai pas à me justifier de qui je suis. Et je n’ai pas de comptes à rendre », estime-t-il.