Comment faire face au suicide d’un camarade de classe ?

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Publié le 07/01/2016 par TRD_import_MariaPoblete ,
À Paris et a Tarbes, deux jeunes se seraient defenestres dans leurs lycees, le jour de la rentree. Le suicide represente la deuxieme cause de mortalite chez les 15-24 ans, derriere les accidents de la route*. Comment aborder le sujet au lycee et gerer le manque et la douleur ?

Parler

Le suicide est un sujet tabou, mystérieux et violent pour l’entourage. Le besoin d’en parler est alors intensifié. « Comme dans tous les phénomènes sociaux tragiques, on se trouve dans un état de choc, qui crée une sidération et un traumatisme , la première nécessité est de partager un grand moment collectif », dit Marie-Frédérique Bacqué, psychologue spécialiste du deuil. Cet échange permettra à chacun d’évoquer, ensemble, le choc que l’évènement provoque.

« Il est indispensable de verbaliser, en mettant des mots sur le suicide, en classe et très vite après les faits, dès le premier cours, suggère Jean-Pierre Haddad, professeur de philosophie et animateur d’un blog. Les lycéens doivent être mis en confiance par les paroles des enseignants, un peu comme si on les autorisait à tout dire, leurs émotions, leur ressenti, sans tabou. » En clair, après un tel geste, on peut tout entendre. « Certains peuvent dire qu’ils ont déjà eu des idées suicidaires ou qu’ils pensent à la mort, précise Audrey Louisin, psychologue clinicienne. C’est important que les jeunes sachent que n’importe qui peut se retrouver un jour face à des épreuves en ayant l’impression d’être dans une impasse, comme si la seule solution pour supprimer cette souffrance était de mourir. »

Exprimer sa tristesse et pleurer

C’est très dur de perdre un camarade de lycée, même si on le connaissait peu ou mal. Quand c’est un suicide, la tristesse est d’autant plus immense. « Nous avons besoin d’humanité à l’école, elle n’est pas un lieu coupé et à part, il ne faut pas refuser l’émotion, la peine et son expression, poursuit le prof de philosophie, nous sommes des êtres humains et si nous ressentons le besoin de pleurer et de se serrer dans les bras, il faut laisser faire. »

Nicole Mariani, enseignante de français à la retraite, a vécu un suicide dans son lycée, elle se souvient : « C’était il y a 18 ans et je m’en rappelle très bien, j’ai consacré plusieurs heures au sujet, d’abord lors d’un débat sur le suicide, je me souviens que certains jeunes disaient que c’était un acte égoïste, il y avait beaucoup de colère. Ensuite nous avons travaillé sur des auteurs comme Jean-Paul Sartre, cette année-là a été marquée par l’évènement et le sujet revenait régulièrement, à la demande des lycéens. »

« Même si on ne pensait pas à la mort avant, ce qui fait peur est que cette personne était comme les autres lycéens, il avait la même vie, les mêmes soucis, alors ils se demandent : est-ce que ça pourrait m’arriver aussi à moi ? Vais-je perdre la raison ? analyse le Dr Philippe Lesieur, médecin chef de service à la fondation de santé des étudiants de France. Le suicide est une énigme intolérable. »

Affronter le manque

Outre la parole sur le souvenir, en faisant revivre en mots la personne défunte, l’évocation de ce qu’il était, comment il était, la partie sociale joue un rôle fondamental, avec les funérailles. « Je conseille de mettre en place quelque chose de collectif, venant de la classe ou de l’établissement, un groupe peut se rendre aux obsèques, proposer une réalisation commune pour évoquer l’ami, le camarade de classe, dit Marie-Frédérique Bacqué, la créativité humaine est une manière de lutter contre le néant de la mort. »

Retrouver le travail et la concentration

Nul besoin de se précipiter ! Chacun ira à son rythme, certains auront plus de mal à se concentrer, d’autres seront fatigués par un sommeil agité. « C’est aux enseignants et aux adultes de repérer les amis proches, et les jeunes qui montrent des signes d’agressivité, de dépression ou de changement brutal de comportement qui pourrait cacher un mal-être, conseille Audrey Louisin. Il ne faut pas hésiter à consulter, demander rendez-vous avec une assistante sociale, passer voir l’infirmière, voir le professeur principal, un surveillant.

Ensuite, le temps va faire son effet et dans la grande majorité des cas, chacun va retrouver sa capacité à se remobiliser. « Chacun va s’enrichir de cette situation, ce geste va dévoiler quelque chose en soi » conclut le Dr Lesieur.

_* Chiffres donnés par l’Insee_

_ « La mort à l’école », Édition De Boeck. « la mort d’un élève », protocole d’accompagnement en milieu scolaire à Rouen, par Brigitte Dubroca-Laffitte, éd l’Esprit du temps._ **

Contacts utiles :

• Fil santé jeunes : 0800 235 236

• Jeunes violences écoute: 0808 807 700

• Non au harcèlement: 3020

www.sos-amitié.com, tél à Paris : 01.42.96.26.26

__• Centre Médical et Pédagogique Jacques Arnaud, Bouffémont (95) :Fondation santé des étudiants de France