Coming out : comment ils l’ont dit à leurs parents

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Publié le 03/06/2016 par TRD_import_ClaireChédeville ,
Il est très délicat d’annoncer son homosexualité à ses proches. Déception, incompréhension, voire rejet… Par peur des réactions de sa famille, on peut être conduit à se taire au risque de se nier. Témoignages de personnes qui ont franchi le pas… ou non.

Deux ans, six ans, et parfois plusieurs décennies, c’est le nombre d’années que laissent passer certaines personnes avant de faire leur coming out et d’annoncer leur orientation sexuelle à leurs proches. Pour tous, cet instant est déterminant et souvent difficile. Mais y a-t-il une bonne façon de s’y prendre ? Félicie, William, Élisa et Gianni témoignent de leur expérience.

« Ma mère m’a proposé d’officier à mon mariage »

Étudiante à Genève, en Suisse, Félicie se rend compte de ses préférences sexuelles à l’âge de 16 ans. « Tous mes amis s’en doutaient, mais il m’a fallu du temps pour l’accepter moi-même », souligne-t-elle. Terrassée par la peur de l’annoncer à sa famille, elle laissera passer six ans avant de se lancer. « J’avais l’habitude de sortir avec des garçons, mes parents ne pouvaient pas penser un seul instant que j’aimais les filles ! » Lorsque la jeune fille s’est décidée à ne plus rien cacher, ce fut pour présenter sa fiancée. Contre toute attente, ses parents ont très bien réagi. « Mon père m’a même dit qu’il trouvait que j’avais du goût en matière de femmes », sourit-elle. La réaction de sa mère, maire de son village, fut encore plus touchante. « Elle m’a dit qu’elle serait ravie d’officier à mon mariage ! » Leur seul reproche a été que leur fille ait douté d’eux. Plus la chose est tenue secrète longtemps, plus la déclaration est pénible et mal reçue de la part des proches. « Je pense qu’il ne faut pas attendre pour le dire, de plus, au fil des années mes parents auraient pu changer de réaction », insiste Félicie.

« Je l’ai annoncé à mon père en jouant à ‘Secret Story' »

Très jeune lui aussi, William sait quelles sont ses attirances. « À l’âge de 13 ans, j’ai eu ma première expérience homosexuelle, et mon attirance pour les hommes s’est confirmée. » Ses amis sont rapidement mis dans la confidence. Mais, il n’en est pas de même avec l’entourage familial. Il faudra quatre ans au jeune garçon pour révéler son homosexualité à sa mère. « Je lui ai annoncé suite à un reportage sur l’homophobie en Italie, je trouvais que cette haine envers les gays était épouvantable », raconte-t-il. Elle lui a aussitôt demandé s’il avait également subi ce genre de propos. « J’ai su à ce moment là que ma mère se doutait déjà de ce que j’essayais de lui dévoiler ! » Elle a accepté la nouvelle tout simplement.

Mais il a fallu encore deux ans au jeune homme de 17 ans pour parvenir à l’annoncer à son père. Pendant les vacances d’été, en jouant avec sa famille à « Secret Story ». Tous avaient choisi un secret. Le sien était de taille : révéler son orientation sexuelle. Après deux heures de jeu, le moment tant redouté est arrivé. William a dévoilé la vérité. « Ça a été un moment douloureux, mon père l’a très mal pris. » Mais, au fur et à mesure des années, ce dernier a réussi à accepter la situation. William a aujourd’hui 21 ans : « Toute ma famille le sait maintenant. Ça m’a fait du bien de prendre mon temps pour m’expliquer, et je suis vraiment soulagé de ne plus rien avoir à dissimuler. Mais c’est vrai qu’il faut attendre d’être prêt pour en parler », souligne-t-il.

« Mon père pensait que je lui faisais une blague »

Pour Élisa, la découverte de son orientation sexuelle fut tardive. Elle tombe amoureuse de Léa à l’âge de 25 ans. « Je ne voulais pas ignorer mon attirance pour les femmes, aujourd’hui ça fait trois ans que je suis avec ma copine », raconte-t-elle. Sans trop d’appréhension, à 27 ans, Élisa annonce son homosexualité à sa famille. « Mon père pensait que c’était une passade, il ne me prenait pas au sérieux. » Aujourd’hui, il évite encore le sujet et même s’il reçoit la copine de sa fille avec politesse, il n’est pas encore à l’aise avec elle et avec leur choix. D’ailleurs, une partie de la famille, très religieuse et pratiquante, n’est pas encore mise au courant… « Hormis cas extrême, il vaut mieux en parler sinon la part intime de soi est emprisonnée. Plus ça dure, plus ça s’apparente à une faute, explique Élisa. Aujourd’hui on est encore obligé d’exposer notre orientation car toute famille part du principe que l’hétérosexualité est la norme. »

« J’ai 40 ans et ma mère ne le sait toujours pas »

Dès 17 ans, Gianni a su qu’il était homosexuel. « Je sentais que j’avais quelque chose de différent. » Originaire d’un petit village du nord de l’Italie, il est issu d’une famille très catholique, traditionnaliste et normative, où les différences ne sont pas acceptées. Toutes les vérités qui peuvent déranger sont toujours occultées. « Il fallait que je fasse attention à mes réactions pour ne montrer à personne que j’étais homosexuel. Cette période a été affreuse », raconte Gianni. Pour pouvoir être lui même et tenter de s’épanouir, le jeune homme a dû partir en France. « J’ai séparé ma vie en deux : je suis moi-même en France et hétérosexuel en Italie. »

Les premières années du jeune homme sont pesantes, il se sent seul. Toute sa jeunesse est hantée par ce secret. « Je pensais être le seul homosexuel de mon entourage, et je me disais que je n’arriverais jamais à en parler, c’était très dur », confie-t-il. Au fur et à mesure des années, Gianni partage son secret avec ses amis et avec son frère, mais ne se résout pas à se confier à sa mère. « Je ne sais toujours pas si je vais oser le lui dire un jour, ça la ferait trop souffrir et moi aussi. » Gianni se rend pourtant compte que son silence est une erreur. « Je suis coincé dans mon mensonge, je conseille vivement à ceux qui sont dans le même cas de sortir du ‘placard’ dès que possible car la famille est le noyau dur. On devrait s’y sentir en sécurité au lieu de la craindre » , insiste-t-il.

Selon l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé), en 2010, en France, 10,8 % des homosexuels interrogés avaient déjà fait une tentative de suicide contre 4,9 % des hétérosexuels. L’enquête souligne que les jeunes homosexuels ayant peu de soutien familial sont fragilisés et que ceux qui sont compris et acceptés par leur famille ont, à l’inverse, moins de comportements à risques.