Cinéma : faut-il aller voir « 1:54 » ?

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Publié le 14/03/2017 par TRD_import_PaulConge ,
CRITIQUE. Épopée sportive, drame social, difficile de mettre le dernier film de Yan England dans une case. "1:54", c'est le chrono que doit atteindre Tim au 800 mètres pour battre Jeff, qui le harcèle depuis quatre ans. Un dépassement de soi contrarié par la spirale dans laquelle il est entraîné, à cause, notamment, des réseaux sociaux.

Beaucoup de films, comme « 1:54 », mettent en images le harcèlement à l’école, la cruauté entre élèves, la stigmatisation d’un souffre-douleur à cause de sa différence – origines étrangères, homosexualité… Ici, pas de regard moraliste ni de happy end. Yan England, le réalisateur canadien déjà auteur d' »Henry » (court-métrage nommé aux Oscars 2013), évite de nous montrer une intrigue cousue de fil blanc.

La pression du harcèlement

Fresque sportive hantée par l’influence des réseaux sociaux, « 1:54 » catapulte sur le devant de la scène Antoine-Olivier Pilon, révélé dans « Mommy » de Xavier Dolan, qui campe ici Tim, un lycéen solitaire, sanguin, cible de quolibets, dont le destin va prendre une tournure dramatique.

Tim n’est pas une victime ordinaire. Il ne se laisse pas intimider. Il est bon coureur. « 1:54 », c’est le chrono qu’il va atteindre coûte que coûte , pour être le premier à la compétition nationale et pour battre Jeff (Lou-Pascal Tremblay), son harceleur le plus virulent, qui prendra un plaisir sadique à vouloir révéler que Tim est une « fif » (« tapette » en québécois).

Les ravages des réseaux sociaux

Si Yan England dépeint le désarroi intime d’un jeune de 16 ans confronté à ses angoisses, il explore aussi le rôle que peuvent y jouer les réseaux sociaux. Imaginez : chacune de vos hontes, chacune de vos petites humiliations quotidiennes du lycée, filmées et diffusées en direct sur Facebook. Un yaourt jeté à la figure, une révélation sur vos préférences sexuelles. Liké, partagé, retweeté, visible par tous, en boucle, n’importe quand, des milliers de fois. Au nœud de l’intrigue, Jeff finira par se procurer un document compromettant et faire chanter Tim. Jusqu’à le pousser dans ses dernières limites.

Esthétiquement, c’est réussi. Et la bande-son est efficacement rythmée par "Superbia", le tube du groupe de pop montréalaise Caveboy. Malgré ses défauts, un film riche d’enseignements sur la réception de l’homosexualité et la réalité du harcèlement et du cyberharcèlement, qui mériterait d’être diffusé dans tous les établissements.

« 1’54 », de Yan England. Avec Antoine-Olivier Pilon. Sortie le 15 mars.