Ces études où il faut avoir le cœur bien accroché

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Publié le 14/06/2016 par TRD_import_NathalieTissot ,
Médecine, droit pénal, métiers du funéraire, boucherie… Ces études, très différentes, ont un point commun : quand on s’y lance, mieux vaut ne pas avoir froid aux yeux. Face aux fantasmes, étudiants et professionnels nous racontent la réalité de ces formations.

Boucherie : dépecer, équarrir, couper, hacher menu

Il est 9 heures du matin et les élèves de CAP boucherie sont déjà en train de désosser le gigot qui sera au menu de la cantine à midi.  » Ce qui est un peu dur pour ceux qui débutent c’est la position debout et les 8°C dans la salle « , explique Jean-Christophe Denis, formateur technique à l’école professionnelle de boucherie de Paris.

Aujourd’hui à l’ouvrage : les deuxième année. Ils ont pris le pli. « Je n’avais pas l’habitude du froid. Maintenant, ça va, je peux rester 3 heures au frigo », témoigne en souriant Aissata, 20 ans , l’une des seules filles de l’école. Pour Anouar, 27 ans, « le froid ça va, mais les charges sont lourdes ». En dehors de leur semaine de 35 heures à l’école, ces étudiants passent deux semaines en entreprise. Pour la plupart, le plus difficile ce sont surtout les horaires : « on peut commencer à 4-5 heures du matin et finir tard le soir ».

Et le rapport à la chair animale ?  » La découpe est moins agréable quand on tombe sur des viandes fiévreuses, rouges foncées », reconnaît Anouar. Comme les autres élèves, il porte son tablier de protection et un gant en cotte de maille. Il vaut mieux car les accidents sont fréquents. En début d’année, David, 18 ans, a été en arrêt un mois : « j’étais stressé et j’avais les mains grasses, raconte-t-il, avec mon couteau je me suis sectionné un nerf de la main ». Aujourd’hui rétabli, il s’apprête à passer son examen, sésame pour entrer dans le monde du travail.

Avocat pénaliste : « Si vous êtes sensibles vous pouvez sortir »

Jenny veut devenir avocate pénaliste pour « vraiment défendre l’humain ». En master II de droit pénal et pratique du droit pénal à l’université Paris-Sud, elle a été plongée dans une réalité pas toujours évidente. À côté de la théorie, les étudiants entendent des policiers, des gendarmes, des juges, des avocats venus partager leurs expériences et les confronter à des cas pratiques.

« Un militaire nous a un jour raconté une affaire de viol en nous demandant si, selon nous, le viol était constitué », se souvient la jeune femme de 24 ans,  » il y avait des détails un peu glauques « . « Si vous êtes sensibles vous pouvez sortir », a lancé l’intervenant à la promo, « mais tout le monde est resté ».  » L’idée est de les confronter à la réalité « , explique la codirectrice du master Haritini Matsopoulou.

Les étudiants effectuent aussi des stages de 3 à 6 mois. « Il faut essayer de prendre du recul », conseille Jenny. « Avec la pédophilie j’ai vachement de mal », témoigne-t-elle, se remémorant une affaire de pédopornographie intrafamiliale.  » Je suis tombée sur des photos, j’ai dû sortir prendre l’air. » Aujourd’hui, la jeune femme appréhende mieux ce genre de cas de figure.

Médecine : « On avait des cours d’anatomie à la morgue »

« En première année à la faculté de médecine de Lille on avait des cours d’anatomie et on allait à la morgue une semaine, par petits groupes, raconte Tristan, 23 ans, on nous montrait sur de vrais corps où étaient les organes « . « Ca fait un peu bizarre mais on ne voit pas le visage et au moins on sort de la théorie », soutient l’étudiant, aujourd’hui en cinquième année.

La mort, il y a été confronté lors d’un de ses stages en pneumologie. « Un matin j’ai découvert un patient décédé. On encaisse, on parle aux collègues. » Pour décompresser, Tristan pratique le triathlon. « C’est très important de garder ses loisirs, de ne pas s’enfermer dans les études », assure-t-il.

Dès leurs premières expériences à l’hôpital, les étudiants apprennent aussi les gestes du métier. « Au départ on fait des prises de sang, la toilette des patients », raconte Tristan. Puis au fil des années, « on fait des sutures, des ponctions, des gaz du sang… » Il faut parvenir à  » gérer la douleur du malade « , explique Tristan, qui se souvient encore de sa première ponction lombaire. « C’était impressionnant, j’avais peur de toucher la colonne vertébrale. » Mais les études sont longues, l’apprentissage progressif et les internes sont là pour assister les plus jeunes.

Apprivoiser la mort. Un préalable nécessaire pour accomplir certaines études. // © PlainPicture

Métiers du funéraire : récupérer des corps après un accident de la route

Julien a découvert les métiers funéraires en travaillant dans des entreprises d’ambulances, qui opèrent aussi en tant que pompes funèbres. L’homme de 25 ans, a passé son diplôme de conseiller funéraire en 2013.  » La majorité des décès qu’on gère, ce sont des personnes âgées en maison de retraite ou centre médicalisé, explique-t-il, mais on voit aussi parfois de jeunes enfants ou des adolescents. »

« On doit parfois aller récupérer des restes humains après un accident de la route », ajoute Yves Messier, responsable de l’école de formation funéraire Effa. « Tous les employés peuvent être amenés à aller chercher un corps ou faire une toilette funéraire » car « il s’agit souvent de petites entreprises ». Un métier difficile, qui souffre aussi d’une mauvaise réputation. « Quand on dit qu’on travaille dans les pompes funèbres beaucoup de gens ont une réaction très négative », déplore Julien.

« Les jeunes qui veulent entrer dans une de nos formations, je leur dis de passer d’abord au moins une journée en entreprise de pompes funèbres « , soutient Yves Messier. À côté des cours, les étudiants doivent effectuer 70 heures de stage. Un stage que Julien a eu du mal à trouver.  » Les employeurs craignent les stagiaires attirés par le voyeurisme ou qui pourraient flancher devant une famille. » Ses conseils ? Être persévérant, discret, réactif, savoir s’adapter, ressentir le chagrin mais sans se l’approprier. Leçon retenue.