BD : quand la vie d’ado, c’est compliqué…

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Publié le 22/01/2014 par TRD_import_SoniaDéchamps ,
Pas evident d'etre seul(e) aux commandes de sa vie quand on a seulement 13 ans. Mais cela arrive parfois, comme le retracent - entre autres - les deux BD chroniquees de la semaine. Poignant mais pas larmoyant.

« Le Muret », de Céline Fraipont et Pierre Bailly

Rose a 13 ans à peine, et est déjà livrée à elle-même. « Je me sens comme un petit soldat dans sa tranchée. Et je crois que je suis toute seule pour combattre. » Sa mère ? Partie à Dubaï avec un type qu’elle aime follement. Son père ? Bien trop pris par son travail : le plus souvent absent, à l’étranger. Seule, la jeune fille doit bien – trop – vite apprendre à se débrouiller. « On m’a laissée toute seule sur le navire, maintenant, c’est moi qui commande. »

« Le Muret », de Céline Fraipont et Pierre Bailly (Casterman).

Mais pas facile de commander sa vie à seulement 13 ans. « Je dois me forcer pour faire les choses. Tout m’emmerde. Et j’angoisse en permanence… » Un jour, alors qu’elle regarde la télé, elle voit cet homme qui va mal et qu’un coup de whisky semble soulager. Elle décide alors de l’imiter. « Le muret », c’est celui sur lequel, le soir, elle s’assied pour boire et fumer. D’abord en compagnie de sa copine et voisine Nath, puis seule, quand les parents de cette dernière lui interdisent les sorties tardives. C’est aussi le lieu où elle rencontre Jo ; un gentil voyou de 16 ans qui, lui aussi, vit seul, dans une petite pièce le long du chemin de fer. Avec lui, et même s’il lui fait parfois prendre des risques, elle se sent bien. Avec lui, elle découvre The Cure, Les Ramones, La Mano Negra… « Il est comme une partie de moi. La partie que j’aime. »

Mais une telle situation ne peut pas durer. Arrive le moment où l’école appelle le père de Rose pour l’informer des absences de sa fille, et de la bouteille d’alcool retrouvée dans son sac à dos. Rose décide alors de fuir.

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Pour raconter une histoire si sensible, Céline Fraipont a trouvé le ton juste. Jamais la narratrice – qui est aussi la protagoniste – ne se fait trop bavarde. Solitude, peurs, mise en danger, apprentissage… L’auteur ne cherche pas à trop en dire ; elle fait ressentir. Le dessin, simple et direct, d’Olivier Bailly s’accorde parfaitement au récit ; le « noir – très noir, puissant – et blanc » est particulièrement réussi. Un album poignant.

« Goggles », de TetsuyaToyoda

Le parfum de l’enfance. Il se dégage des nouvelles qui composent « Goggles » une certaine mélancolie. De cette mélancolie douce qui, bien loin de peser, touche avec délicatesse le lecteur. Chargées d’émotions – et pourtant légères –, les différentes histoires mettent en scène ici une fillette de 10 ans élevée par une mère violente qui se mure dans le silence, le visage en permanence caché derrière des lunettes de motard trop grandes ; là un vieil homme qui cherche à retrouver le goût d’un plat qu’il avait pour habitude de partager avec son défunt fils ; là encore une jeune femme faisant appel un détective privé afin qu’il retrouve un voisin l’ayant particulièrement marquée lorsqu’elle était enfant. Rien d’extraordinaire, et pourtant… la magie opère. Magnifique.

« Goggles », de Tetsuya Toyoda (Ki-Oon).